Une galerie de quatre personnages bigarrés, liés les uns aux autres par des relations familiales, amoureuses, amicales ou incestueuses (on ne sait pas très bien) sont réunis sur le plateau.
Candides et délicats dans leurs habits bien frais et leurs attitudes bourgeoises, leurs retrouvailles sont propices à éclats de rire et conversations légères.
Mais Caterina et Carlotta Sagna ne se contentent pas longtemps de ce tableau attachant et font ressurgir tout en subtilité la gravité burlesque de la situation. Les deux âmes sœurs (pas toujours charitables), injectent au milieu de ces échanges anodins de ce quatuor atypique, une dose d'absurdité, de cruauté, mais aussi d'humour, qui embarquent toutes les réticences.
Derrière la comédie de mœurs qui nous est donnée à voir, le deuxième plan est un peu moins rose : on rit nerveusement en devinant, par suggestions successives, des non-dits, des secrets de famille assez grinçants, dont on ne sait pas tellement la part fantastique ou réelle.

Entre comique et tragique, Nuda Vita joint le geste à la parole, la relaie, la décale. Le mouvement, aussi présent que le texte, s'impose au moment où la parole doit se taire. Il est, chez ses deux chorégraphes, une continuation naturelle des mots, une échappatoire, une pirouette. Cela est particulièrement visible lors du solo de Tijen Lawton, qui, par sa danse douloureuse, fragmentée, contorsionniste à certains moments, rend compte abstraitement du drame qui semble avoir eu lieu.


Nuda Vita est le premier spectacle à « quatre mains » des Sœurs Sagna, depuis la création de leur compagnie commune (2009). Dans leur parcours artistique respectif, les sœurs Sagna ont toutes deux participé à l'éclosion d'une danse qui mêle mouvement et parole. Carlotta a longtemps travaillé comme comédienne et danseuse avec Jan Lauwers, directeur de la Needcompany, avant de créer ses propres spectacles (dernier en date C'est même pas vrai –février 2010). Caterina fut d'abord interprète de la Compagnie de Carolyn Carlson à Venise,  avant de fonder sa propre compagnie Nadir, avec laquelle elle s'engage pour un parcours de 10 ans, dans une exploration choréographico-théâtrale de grands textes de la littérature (Jean Cocteau, Rainer Maria Rilke, Paul Valery). En 2005, elle décide de baser sa compagnie en France, à Rennes, au même moment que sa sœur. En février 2010, invitée par le CCN de Roubaix, elle participe au programme Present Memory, aux côtés de Malou Airaudo et de Carolyn Carlson.






NOTE D'INTENTION

« Cette pièce où le comique côtoie le tragique, traite de l'exclusion. Exclusion que l'on subit et à son tour on provoque, en une chaîne qui se reproduit dans un cercle viscieux.
L'éducation familiale, le contexte social, l'éthique collective issue de notre milieu sont le socle de notre comportement.Nous croyons avoir une pensée autonome, mais le plus souvent nous répliquons inconsciemment les valeurs qui ont fait de nous ce que nous sommes dans un désir instinctif de satisfaire les habitudes du « troupeau ».
Les propos et les faits qui émergent des dialogues sont vidés de toute cruauté parce que les personnages n'en ont pas la conscience et ils ne peuvent donc pas être de mauvaise foi.
Ils deviennent monstres uniquement aux yeux de ceux qui les regardent, qui à leur tour inévitablement comparent ces façons d'agir à celles de leur contexte. La marginalisation subie par les quatre personnages et qui se reproduit à l'intérieur du groupe, les laissant à jamais seuls, n'est que le miroir en plus grande échelle, de l'isolement de chacun quand il voit l'autre, le différent, comme un ennemi. »