Vanités cardinales
Du 15 avril au 15 mai 2009, Brian Elliott Rowe, directeur de la Galerie BE-Espace (57, rue Amelot 75011 Paris), vous invite à découvrir la force singulière des œuvres de G.Elliot Moretto : âmes et corps piégés au jeu des basses manipulations terrestres.

Paré d’une chasuble rouge cardinal (pourpre cardinalice) protectrice et décorum, « Le Manipulateur » attend le visiteur. Son regard scrutateur maintient à distance, avec cette flamme machiavélique irradiant du fond de ses orbites.  Il n’est pas seul. Relié à ses atours, robe couture – qui en perd la tête - il traque sa proie, l’agrippe, sans desserrer l’étau de sa fascination joueuse. L’artiste G.Elliot Moretto est audacieuse. La scénographie tout autant. Par cette première installation, le décor est planté, le spectateur happé dans un univers sans concession. La vérité est crue ; est venu le temps de la regarder en face.    

Et d’emprunter le chemin de croix, « Via Crucis » (1) dans sa version au féminin. La plasticienne calque son questionnement artistique sur ce cycle mythique et divin. Elle réussit à mettre en perspective son vécu – humain – et son avenir/devenir créatif. Car, travailler sur la passion du Christ divise, interpelle. Rien d’anodin à exposer la souffrance, le plaisir, la mort et la résurrection : cette mise à nu personnelle et collective renvoie chacun à ses propres fondations existentielles, sans complaisance. Riche de plusieurs niveaux de lecture, de décryptage, elle s’adresse à tous, érudits ou pas, croyants ou non, avec une sincérité et une humilité désarmantes. La méthodologie sert la technique et réciproquement : peinture sur papier suggérant l’image pieuse,  pigment « caput mortuum » symbolisant la mort et l’humain, feuille d’or incarnant l’élément divin, bandages et tissus, écrous, barbelés et cuirs… Les formats entoilés évoquent la progression intérieure, visionnaire et inspirée, les autres formats sur bois soulignent l’exhibition spectaculaire.   

Résurrection, ou tout au moins renaissance, la palette chromatique vire au rose, au turquoise, transperçant des ciels d’orage, résistant à la mitraille de gris plomb. Les chairs abandonnent les couleurs de leurs substances organiques mais restent fidèles aux corps tortueux de Francis Bacon. Encore meurtries, elles bataillent pour une survie, une liberté, qu’elles persistent à vouloir. Les tableaux vont souvent par deux, diptyques réels ou de circonstances, à l’image de nos dualités : animalité prégnante et humanité qui se dérobe. Au-delà des apparences, G.Elliot Moretto s’ingénie à tirer sur les ficelles du nœud gordien de la vie. Sans relâche, elle nous confronte à l’Ecclésiaste : « Vanitas vanitatum omnia vanitas » (« Vanité des vanités, tout est vanité »), et nous aide à comprendre avec sa série de « Sunrise » (2) que même si  « À l’ouest rien de nouveau » (3), tous les jours le soleil se lève.

(1)« Via Crucis » : les 14 stations du Chemin de croix, revues en 20 tableaux. Présentée ici en version non intégrale.
(2)« Sunrise » : créations 2009.
(3)Film américain réalisé par Lewis Milestone, d'après le roman éponyme d'Erich Maria Remarque.

GALERIE BE-ESPACE :
57, rue Amelot 75011 PARIS –
Ouvert du lundi au vendredi – 9h à 19h (fermé entre 13h et 14h) - WEEK-END : Horaires variables : TELEPHONEZ AU 01 42 71 09 03