Lyon, le vendredi 7 mars 2008
Monsieur le Maire,
Pour faire suite à notre réunion de travail du mardi 12 février avec votre Directeur de Cabinet, ainsi qu’au démontage des antennes de l’école Victor Hugo le 28 février, nous tenons à vous faire part de nos considérations sur le sujet en cette période de rentrée scolaire.
En préambule voici un rapide historique de notre mobilisation :
Tout à débuté en octobre 2002 quand les parents d’élèves de l’école primaire Victor Hugo dans le 1er arrondissement de Lyon ont appris la présence, depuis 1998, d’une station de base de téléphonie mobile GSM sur le toit de leur école. Depuis, les parents fortement mobilisés se relayant sur ce dossier ont mené de nombreuses actions : échanges avec la mairie du 1er et la mairie centrale, information régulière des parents et du corps enseignant de l’école Victor Hugo, ralliement des parents d’élèves d’autres écoles lyonnaises concernées, signatures de pétitions…
C’est en janvier 2008 que la révélation de deux cas de cancer chez des élèves de la même classe située à proximité des antennes renforce l’inquiétude et la
mobilisation des parents et enseignants.
Lors de la réunion du 12 février, en présence de Messieurs Buna, Lanneluc, Ritter et de Madame Perrin-Gilbert pour la Ville et des parents d’élèves, nous avons reçu les engagements suivants :
1) Démontage par SFR des antennes de l’école primaire avant la rentrée du lundi 3 mars, pendant les congés scolaires (du 18 au 29 février),
2) Lancement d’une campagne de mesures contradictoires sur les sites des écoles Victor Hugo, Aveyron, Albert Camus et Lamartine par un organisme agréé COFRAC (selon le protocole de l’Agence Nationale des Fréquences) d’une part, et par un organisme indépendant d’autre part (CRIIREM, Next-Up),
3) Demande aux opérateurs du relevé de trafic des antennes en émission/réception pour la période précédant leur désactivation par l’Ecologie Urbaine,
4) Organisation d’une «conférence » sur la problématique des antennes de
téléphonie mobile en avril ; les parents d’élèves seront associés à la préparation et la tenue de cet événement.
S’AGISSANT DU PREMIER ENGAGEMENT :
Nous avons constaté avec satisfaction que les antennes ont été enlevées et nous remercions la municipalité d’être intervenue pour que le principe de précaution
inscrit dans la Constitution puisse être mis en application. Les deux enfants atteints de cancer vont pouvoir poursuivre leur scolarité dans des conditions plus sereines ; vous avez ainsi répondu à la première urgence de la situation. Nous devons toutefois vous préciser que le démontage de la station n’a pas été
total. À ce jour, seules les deux antennes panneaux ont été enlevées. Les potences, l’armoire technique et le câblage sont toujours en place. Faut-il en conclure que SFR a dans l’idée de rétablir un jour une station sur cette école ?
S’AGISSANT DU DEUXIÈME ENGAGEMENT:
La campagne de mesures par l’organisme agréé COFRAC (le CSTB) a bien eu lieu à Victor Hugo en présence de deux parents d’élèves, de Monsieur Ritter en tant que directeur du service de l’écologie urbaine, et de sa collaboratrice Madame Pradier. Nous vous rappelons qu’elle a été effectuée pendant les congés scolaires
donc en période de faible trafic, les 5 établissements de collégiens/lycéens à proximité de l’école étant déserts. Nous savons que des calculs correctifs sont
prévus par le protocole ANFR, mais il reste que la fiabilité de ce type de mesure pour l’appréciation des effets non thermiques est fortement contestée. En outre nous n’avons aucun moyen de savoir si les deux antennes lors de cette mesure fonctionnaient bien à leur niveau de puissance habituel, le réglage de puissance étant laissé à la discrétion de SFR qui l’effectue à distance depuis la
station de contrôle.
Nous regrettons donc vivement que les mesures contradictoires à faire par un organisme indépendant n’aient pas été effectuées antennes en place. Nous déplorons
le manque de motivation des services de la ville à les organiser dans l’urgence. Cette
passivité contraste avec la rapidité de l’intervention du CSTB. À quoi bon alors cette vaine campagne, qui ne fait qu’ajouter un rapport de plus à tous ceux déjà
effectués dans l’école depuis plus de deux ans ?
Nous vous rappelons que le souci des parents, face à l’occurence de deux cas de cancers de jeunes enfants dans la même classe et à la même place, n’est pas de savoir si les normes officielles ont été respectées. Il est d’analyser et de comprendre s’il existe ou s’il a existé à l’école Victor Hugo une pollution susceptible de mettre
en danger la santé des enfants :
– Si une nuisance environnementale peut être suspectée, toutes les classes du second étage sont-elles concernées ? Est-ce que d’autres enfants ont pu se trouver
exposés à cette nuisance ? Leur santé et leur bien-être futurs peuvent-ils en être
affectés ?
– Ces cancers peuvent-ils avoir été favorisés par l’interaction de plusieurs
facteurs de risque ?
– D’autres cas pouvant être rapportés au syndrome des micro-ondes ont-ils été
recensés dans les écoles de la ville ?
Nous n’avons toujours pas les moyens de répondre à ces questions, qui sont d’autant plus sensibles que Monsieur Fournel, adjoint délégué à la petite enfance, nous a annoncé lors de la réunion du 1er février à Victor Hugo que le 1er était l’arrondissement où il y avait le moins de cancers l’enfants. Face à un signal d’alerte aussi grave, nous pensions que le service de l’écologie urbaine se soucierait de procéder à une analyse rigoureuse de la situation pour déceler ce qui pourrait ou aurait
pu constituer un risque sanitaire dans cette école.
Leucémies et lymphomes ont été classés par l’INVS* comme pouvant être liés à des causes environnementales. Vous n’ignorez pas que l’étude européenne
REFLEX (12 laboratoires et 7 pays impliqués) a établi la preuve que les hyperfréquences pulsées de la téléphonie mobile, même à une intensité inférieure aux normes actuelles, ont un effet génotoxique sur des cellules humaines cultivées in vitro, avec des cassures d’ADN dont on sait qu’elles favorisent le développement des cancers. Vous n’ignorez pas non plus que ces ondes sont pulsées à des fréquences extrêmement basses que l’OMS a classées comme possiblement
cancérogènes à cause du risque de leucémie. Des pays du Nord de l’Europe ont d’ailleurs adopté des normes très strictes sur cette gamme de rayonnements. Vous
connaissez également la sensibilité particulièrement aigüe des jeunes enfants à la pollution électromagnétique, en raison de leur plus grande perméabilité aux
hyperfréquences et du fort développement cellulaire de leur système nerveux.
Nous savons que vous n’avez pas le pouvoir de modifier la réglementation française. Nous savons que le Conseil d’État**, se basant sur des informations
erronées, a jugé que le décret 2002-775 du 3 mai 2002 églementant la téléphonie mobile ne pouvait être mis en cause dans une affaire de santé publique. Mais pour que des éléments de réponse précis et circonstanciés puissent être
apportés aux questions que nous nous posons, il aurait fallu diligenter une enquête approfondie faisant appel à des spécialistes reconnus en biophysique et en médecine environnementale.
En tant que gestionnaire des locaux scolaires, il nous semble qu’il vous appartenait :
– de requérir des mesures conservatoires spectrales des champs électromagnétiques
à l’emplacement exact des deux élèves ayant développé des pathologies ;
– d’examiner attentivement la situation des autres écoles maternelles,
primaires et crèches exposées aux radiations de type téléphonie mobile.
Aujourd’hui, bien que les antennes de l’école Victor Hugo ne soient plus en service, nous pensons que les mesures les plus pertinentes nous seraient données par le système de mesure en continu installé pendant une durée minimum de 24 heures.Le CRIIREM dispose aujourd’hui d’un protocole opérationnel. Il nous paraît important qu’il puisse faire cette enquête lors de ses prochaines interventions dans les écoles lyonnaises.
S’AGISSANT DU TROISIÈME ENGAGEMENT :
Avez-vous pu obtenir les relevés de trafic typique de la station de base de Victor Hugo avant désactivation ?
S’AGISSANT DU QUATRIÈME ENGAGEMENT :
Pour nous il est déterminant que la conférence d’avril prochain puisse :
– traiter des incidences sur la santé de l’ensemble des technologies de communication
sans fil (GSM, UMTS, Wifi, Wimax) ou utilisant les câbles du réseau
électrique (Courant Porteur en Ligne) ; bilan des connaissances scientifiques et médicales, analyse des perspectives d’évolution ;
– établir un processus de veille et d’analyse comparative d’autres expériences menées par les collectivités territoriales en France, en Europe et dans le reste du monde, concernant l’application du principe de précaution et les actions de protection de la population ;
– mettre en oeuvre avec les opérateurs ainsi que les scientifiques officiels et
indépendants un suivi en recherche et développement dans ces nouvelles
technologies de la communication, qui permette de toujours bénéficier de la portabilité mais sans nocivité biologique et sanitaire.
Nous attendons également de cette conférence qu’elle soit un réel groupe de travail ayant pour objectif la mise à jour de la Charte des stations de base de
téléphonie mobile de Lyon en intégrant l’application du principe de précaution
inscrit dans la Constitution. Nous demandons que cette démarche s’élargisse à l’ensemble des nouvelles technologies de communication sans fil, redéfinisse le seuil d’exposition aux ondes électromagnétiques à 0,6 V/m et instaure un périmètre
de 100 mètres autour des lieux sensibles.
Le signal d’alerte qui nous vient de ces enfants malades ne doit pas être ignoré. Nous comptons sur vous pour qu’il soit pris en compte sans a priori, dans une approche méthodique et participative qui pourrait apporter des enseignements
profitables à tous.
Dans cette attente nous vous prions d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de nos salutations respectueuses.
Les parents d’élèves des écoles Victor Hugo et Albert Camus
Copies à :
– Gilles Buna, adjoint délégué à l’urbanisme et au développement durable
– Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement
– Jean-François Lanneluc, directeur de cabinet du maire de Lyon
Collectif Lyonnais Écoles Sans Antennes • http://antennes.eu.org
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* Institut national de veille sanitaire
V. http://www.invs.sante.fr/recherche/index2.asp?txtQuery=prioritaires&Submit.x=0&Submit.y=0
** Décision du Conseil d’État du 11 juin 2004 statuant sous le numéro 248443.
Contact presse :
Bernard COSYNS