Innover pour valoriser la place de l'humain dans l'entreprise

Les entreprises coopératives, de par leur nature même, sont innovantes. En osant associer les salariés, elles bousculent la gouvernance traditionnelle des entreprises, en misant sur une dynamique collective et démocratique. Elles ont également été précurseurs en proposant des modèles d'entrepreneuriat différents, par leur objet, comme pour les Coopératives d'Activité et d'Emploi (CAE), créées en 1995, ou par leur gouvernance, comme pour les Sociétés Coopératives d'Intérêt Collectif (SCIC), nées en 2001, qui associent autour d'un projet collectif de multiples acteurs (salariés, usagers, collectivités, entreprises…).
Valoriser l'humain dans l'entreprise par une gouvernance collective, c'est le choix qu'a fait Yann Laurent, le gérant de la Scop grenobloise Casabio, transmise à ses 35 salariés au printemps dernier. « Une Scop, c'est un bon vecteur de management. Tout le monde y voit son importance reconnue, et c'est un plaisir de voir des salariés heureux de travailler dans une entreprise qui fonctionne comme ça. C'est plus important que n'importe quel indicateur financier ».


Innover pour mieux coopérer, coopérer pour mieux innover

En permettant aux salariés d'accéder au sociétariat, en les responsabilisant, les entreprises coopératives enclenchent un cercle vertueux dans lequel leurs salariés, davantage motivés, deviennent forces de proposition. Ainsi, l'innovation vient-elle souvent de l'intérieur de l'entreprise. En faisant confiance aux compétences et à l'acquisition de connaissances de ses salariés, les Scop offrent un terreau idéal pour la concrétisation d'idées et de projets parfois plus ambitieux qu'en entreprise classique.
L'organisation en coopérative est particulièrement avantageuse pour la réalisation de travaux de Recherche et Développement. C'est notamment pour cette raison que les fondateurs de L'Atelier paysan, en Isère, ont choisi le statut Scic. La coopérative conçoit, développe et diffuse du matériel agricole libre de droits, sans brevet, en s'appuyant sur la pratique de l'autoconstruction. « Nous ne sommes pas un bureau d'études qui produirait des outils ex-nihilo », explique Julien Reynier, chargé de développement, « mais plutôt des passeurs de savoir, des animateurs techniques. Le matériel que nous développons est issu d'une R&D collaborative, en réponse à des besoins exprimés collectivement par les paysans eux-mêmes, et en nous appuyant sur leur expérience. »

Innover pour produire différemment et pour se développer

Aujourd'hui, la majorité des Scop créées en Rhône-Alpes s'inscrit dans des secteurs porteurs, tels que le multimédia, les énergies renouvelables, les plateformes collaboratives, l'architecture, la consommation responsable… La pertinence du modèle Scop dans ces secteurs est désormais avérée.
De plus, l'innovation se pose comme l'une des réponses faite à la conjoncture économique actuelle. Innover ne signifie pas nécessairement mettre en œuvre une révolution technique extraordinaire. C'est aussi savoir simplement répondre à un besoin peu développé, ou déployer de nouvelles pratiques mieux adaptées à une économie différente. C'est le choix qu'ont fait Les Atelières, à Villeurbanne dans le Rhône. À contre-courant du mouvement global qui tend plutôt à délocaliser la production, elles ont fait le pari de créer un atelier de confection et de style local, à Villeurbanne. « Nous avons dû innover dans nos méthodes de production, car elles n'étaient pas adaptées à des petites séries. Le Laboratoire de Génie Productique de l'INSA travaille depuis 15 mois sur l'adaptation de notre système de production », explique Muriel Pernin, présidente fondatrice de la Scop.

L'innovation sociale : une réponse aux enjeux de société et un levier de développement de l'économie coopérative. L'exemple d'Alter'Incub

Dans le contexte économique actuel, l'innovation reste donc l'un des meilleurs atouts d'une entreprise pour conquérir de nouveaux marchés et faire face à la concurrence. Mais là où la plupart des entreprises s'arrêtent à l'innovation technologique pour accroître leur compétitivité, les entreprises coopératives se développent également par le biais de l'innovation sociale, et apportent ainsi des réponses à des besoins sociaux non ou mal satisfaits.
L'URScop Rhône-Alpes s'est inscrite dès 2009 dans ce champ. En 2011, avec ses partenaires, elle a créé Alter'Incub, incubateur de projets socialement innovants. Aujourd'hui, ce ne sont pas moins de 18 projets qui ont été ou sont encore accompagnés dans tous les secteurs d'activité : petite enfance, énergie, alimentation, circuits-courts, agriculture, environnement, handicap…
Parmi eux, Pistyles Projets, une solution d'animation et de gestion des espaces extérieurs novatrice dans le Rhône : « Notre offre est innovante car elle est participative, portée à la fois par les usagers, les jardiniers-médiateurs, mais aussi des partenaires, notamment issus de la recherche scientifique et en sciences sociales. Elle permet par ailleurs de redonner du sens au métier de jardinier, qui se considère souvent aujourd'hui comme un « agent d'entretien », raconte Thomas Gentilleau, fondateur de Pistyles.

Ce n'est donc pas un hasard si la réussite et la pérennité des entreprises coopératives sont aujourd'hui plus amplement reconnues et suscitent davantage l'intérêt. Leurs expériences réussies, leur capacité à innover et la concrétisation de leurs réponses aux besoins nouveaux de la société prouvent que leur modèle, préparé à répondre aux enjeux présents et à venir, est une source de développement économique durable.