Depuis la parution de la tribune de Lionel Jospin intitulée « Mai 2007, quatre enjeux majeurs », les commentaires sibyllins et hostiles se multiplient dans le microcosme politique français à propos de son éventuelle candidature à la prochaine élection présidentielle. Est-ce pour autant que le retour de l’ancien Premier ministre n’est ni souhaité, ni souhaitable par et pour les Français ?
La mobilisation populaire, à l’occasion du référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, a démontré l’importance du fossé qui sépare les aspirations du peuple de Gauche et les intentions de ses élites politiques. Les prétendants à l’investiture socialiste et leurs supporters, si prompts à disserter sur le retour de l’ancien leader de la Gauche Plurielle, peuvent-ils s’ériger à la fois en libres commentateurs, juges impartiaux et parties prenantes d’un processus de désignation qui n’est pas encore ouvert ? Est-ce à ces derniers, au président de l’UMP, candidat néo-conservateur à la rupture avec le modèle social français, aux sondages ou aux médias qu’il appartient de décider qui devra porter le projet socialiste et les aspirations de toutes les victimes de la politique ultra-libérale, réactionnaire et liberticide menée par la droite depuis 2002, à l’occasion des élections du printemps prochain ? Certainement pas, les militants socialistes seront les seuls maîtres de la décision et leur choix engagera tout le Parti Socialiste.
Si l’on se fie aux nombreuses personnalités rêvant de briguer la fonction élyséenne, la famille socialiste constitue incontestablement un vivier riche de talents. La candidature de Lionel Jospin doit-elle y être considérée comme une simple candidature de plus ou porte-elle l’espoir du véritable rassemblement des socialistes ? Ses propos de ces derniers jours montrent qu’il souhaite recentrer la campagne présidentielle sur le fond, en insistant sur les problèmes causés par la crise sociale, économique et démocratique que subit notre pays. Il pose la nécessité de clarifier les propositions auxquelles le candidat du PS devra s’identifier, tout en louant le contenu du projet socialiste qui, plus qu’un socle, constitue pour lui la boussole qui guidera la Gauche vers les victoires de 2007. Sur les priorités esquissées dans Le Monde que sont l’Emploi, le pacte républicain, le rôle de la France en Europe et dans le monde, ainsi que le progrès scientifique et technique, Lionel Jospin trace des perspectives. Il nous montre le chemin vers « une France républicaine et non communautaire, indépendante et non-atlantiste, keynésienne et pensant à partager les fruits du travail économique », vers une France d’avenir et de progrès, telle qu’il l’a envisagée au journal télévisé de TF1.
Certaines voix plutôt partisanes voudraient cantonner Lionel Jospin à un rôle d’autorité morale, l’emprisonner dans le serment (indépassable ?) de son retrait de la vie politique, le contenir dans une image d’homme du passé. Pour ce qui est du passé, il possède aujourd’hui l’atout des leçons qu’il a tirées des deux dernières campagnes présidentielles et il a la légitimité du travail accompli par le gouvernement qu’on qualifiait alors de « plus à Gauche d’Europe ». Mais Lionel Jospin est surtout le seul responsable politique à faire abstraction des questions de personne pour privilégier les idées et se focaliser sur les enjeux fondamentaux, à l’heure où les autres aspirants se complaisent dans une pré-campagne aux allures « people » et aux faux-débats populistes.
Si la Gauche espère incarner l’alternative, il lui faudra donner du sens à son programme, dépasser le carcan des polémiques convenues, rénover ses pratiques et se rassembler. Remplir ces préalables ne sera pas chose aisée et peu de gens ont la légitimité, l’expérience et la capacité, en un mot la stature, pour y parvenir. A trois mois de la primaire socialiste et à dix mois du scrutin présidentiel, il est temps d’apporter une réponse définitive à une « question ouverte » dans l’intérêt du pays et nos concitoyens, Lionel Jospin doit être candidat.
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