Aujourd'hui, au vu des scandales sanitaires consécutifs à des médicaments retirés du marché tout devait être fait pour que la société poursuive le développement des solutions alternatives à l'expérimentation animale afin de garantir la sécurité sanitaire des produits médicaux.
Madame la Ministre,
Malgré de nombreuses promesses faites dans le cadre des rencontres Animal et Société de 2008, notre Comité Scientifique Pro Anima ne peut que déplorer un sérieux retour en arrière concernant l'arrêt ou même la diminution des expérimentations animales dans l'Union Européenne et en France en particulier.
Tout devait être fait pour continuer à développer les solutions alternatives à l'expérimentation animale.
Pourtant la révision de la directive 86/609 présente un net recul.
Désormais des expériences sans anesthésie sont autorisées et les animaux errants auront le triste privilège d'être utilisés dans les laboratoires.
Cela est inadmissible !
La recherche scientifique semble refuser de se passer du modèle animal et il n'est pas une semaine sans qu'une étude ne paraisse faisant état d'expériences sur l'animal.
De manière générale, la nouvelle manie de modifier génétiquement des animaux afin d'obtenir des modèles « à la carte » (la souris diabétique, la souris cancéreuse ou la souris dépressive) ne fait qu'accroître les inquiétudes de tous ceux désireux de voir une véritable recherche pertinente sans animaux se développer rapidement.
N'a-t-on pas dernièrement vu sur une grande chaîne de télévision un chercheur de l'INSERM présenter des résultats d'expériences sur rongeurs, plongés dans des bocaux remplis d'eau ou bien suspendus par la queue afin d'évaluer leur niveau de stress et ainsi espérer développer des résultats qui ne seront pas transposables à l'homme?
Nos arguments, martelés depuis 20 ans, sont repris par un nombre grandissant de scientifiques : la barrière des espèces est insurmontable car chaque espèce se caractérise par son isolement reproductif.
Vouloir extrapoler le comportement de modèles animaux, même les primates non humains, nos plus proches parents, pour évaluer les risques virologiques chez l'homme conduit à une impasse.
Quelques exemples :
Imaginons trois groupes de 10 chimpanzés chacun ayant été infecté respectivement avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), le virus de l'hépatite B et le virus Ebola. Le groupe portant le VIH ne montrera aucun symptôme et deviendra simplement immune au virus. En moyenne, environ un individu sur dix dans le groupe infecté avec le Virus de l'Hepatite B va développer une hépatite bénigne à laquelle il échappera rapidement. Tous les individus recevant le Virus Ebola vont mourir de fièvre hémorragique. Basé sur le modèle singe, le VIH apparaîtrait inoffensif pour l'homme, mais on sait qu'il est responsable de notre SIDA.
Le Virus de l'Hépatite B semblerait bénin, il cause néanmoins chez l'homme une hépatite chronique conduisant souvent au cancer du foie.
Le Virus Ebola serait considéré comme létal, et en fait il l'est pour l'homme.
En comparaison avec l'homme, le modèle ci-dessus s'est comporté de manière opposée, différente et similaire, respectivement. L'observation chez l'homme était essentielle pour découvrir le véritable résultat.
Idem pour le modèle rongeur et le traitement du cancer chez l'homme. Des milliers de composés ont été identifiés comme d'efficaces agents chimiothérapeutiques anticancéreux chez les souris, mais la plupart des 39 agents efficaces chez les humains n'ont pas d'activité anticancéreuse chez les souris, y compris chez les animaux portant des tumeurs humaines xénogreffées (Science, 1997, n° 278, p. 1041).
Dans un certain nombre de cas, les raisons de ces différences et les mécanismes moléculaires et cellulaires sont désormais connus : en particulier le métabolisme des composés anticancéreux, la distribution et le transport des métabolites correspondant à leurs activités antitumorales sont différents, souvent opposés, dans ces espèces.
Aujourd'hui les scandales sanitaires sur des médicaments retirés du marché nous donnent raison.
Un médicament est normalement mis sur le marché après des années (8 en moyenne) de tests sur animaux réalisés selon un protocole toxicologique du siècle dernier. Les autorités sanitaires françaises reconnaissent, toutefois, qu'environ la moitié des médicaments sur le marché n'ont pas d'effet thérapeutique avéré (le gouvernement Français a décidé en Mai 2001 d'arrêter de rembourser plus de 800 de ces médicaments par la Sécurité Sociale), et que chaque année un grand nombre de formulations doit être retiré de la vente à cause d'effets secondaires toxiques graves. Ceci est la preuve que dans un cas sur deux, l'effet pharmacologique du médicament observé dans l'espèce animale n'est pas confirmé chez l'homme, et que, dans de nombreux cas, le médicament expose le patient humain à une toxicité iatrogénique. Les deux effets sont passés inaperçus sur les modèles animaux et l'homme devient ainsi l'actuel cobaye.
Parallèlement à ces constats accablants, les méthodes alternatives aux expérimentations animales peinent à s'imposer sur le devant de la scène scientifique, tout particulièrement en France.
Notre programme VALITOX, par exemple, n'a reçu que des soutiens privés* !
Actuellement sa validation auprès des instances officielles s'apparente à un véritable parcours du combattant.
Un autre échec a marqué l'année 2010 : le projet de loi sur l'objection de conscience en France, porté avec conviction par Lionnel Luca, Député des Alpes-Maritimes, (Question N°74875 Publiée au JO 30 mars 2010) a été rejeté sur des motifs non justifiés tels que :
L'expérimentation animale est mise en oeuvre pour trouver des remèdes aux maladies humaines ou encore
l'expérimentation animale est une pratique (…) dont le choix est le fait mûri par le citoyen au cours de sa formation (…)
Pourtant non seulement, les remèdes aux maladies humaines peinent à s'imposer, mais en plus les grandes maladies dites « de civilisation » sont en plein essor.
Enfin de nombreux étudiants ont témoigné dans les pages de notre revue afin de dénoncer les dissections honteusement pratiquées lors de TP alors que des alternatives pédagogiques de haut niveau sont disponibles. Ainsi on ne peut parler d'un choix mûrement réfléchi par le citoyen mais plutôt d'incitation agressive à travailler sur des animaux.
Notre Comité Scientifique, nos adhérents et abonnés, demandent une incitation claire à la mise en place des alternatives aux expérimentations animales.
Nous souhaitons un signal fort de la part des pouvoirs publics.
En espérant avoir le plaisir de vous lire prochainement, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l'expression de toute notre considération.
Professeur Jean-François Béquain
Président
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