Objet : lettre ouverte projet de loi OGM
Madame, Monsieur le Député,
Vous êtes saisis par le Gouvernement d'un projet de loi visant à transcrire en droit interne la Directive 2001/18 concernant la dissémination volontaire des Organismes Génétiquement Modifiés.
Vous savez combien ce texte est important dans la mesure où une grande majorité de la population française, comme de la population européenne, est opposée à la dissémination des Organismes Génétiquement Modifiés (sans être pour autant opposée à la recherche sur les Organismes Génétiquement Modifiés et à leur utilisation à usage thérapeutique).
On peut ajouter à cela qu'un très récent euro-baromètre réalisé sur les Européens et l'Environnement montre que la question des O.G.M est un sujet sur lequel les Européens et les Français se sentent particulièrement mal informés.
La responsabilité vous échoit de transcrire cette Directive. Elle est donc particulièrement importante à la fois sur le plan politique et sur le plan moral.
En effet, la question des Organismes Génétiquement Modifiés soulève aujourd'hui deux problèmes majeurs :
- celui des effets sur la santé humaine,
- celui des effets sur l'environnement et en particulier de la co-existence avec d'autres modes de production agricole excluant les O.G.M.
Sur le premier point, le moins que l'on puisse dire est que l'ignorance est aujourd'hui entretenue tant par les firmes fabricant les Organismes Génétiquement Modifiés que malheureusement par les Pouvoirs Publics.
En effet, alors que la Directive 2001/18 exige avant toute dissémination l'identification des caractéristiques qui peuvent avoir un effet négatif sur la santé (annexe 2 de la Directive), ces analyses aujourd'hui ne sont faites que de manière rarissime.
Seules quelques études sur des rats nourris pendant plus de 80 jours avec des O.G.M ont été faites et la bataille fait rage pour que ces études sur la santé humaine restent confidentielles.
Malgré l'avis de la Commission d'Accès aux Documents Administratifs et une jurisprudence dégagée par la Cour d'Appel allemande, la volonté des fabricants d'O.G.M soutenus par certains gouvernements et notamment les autorités françaises vise à interdire la publication de ces études alors même que la directive 2001/18 prévoit que le secret industriel ne peut pas être opposé aux études concernant la santé et l'environnement.
Dès lors, autoriser la dissémination massive des O.G.M, comme le prévoit le projet de loi français qui est bien davantage un projet d'autorisation que de réglementation des O.G.M, conduit à nous exposer à de nouvelles affaires comme celle de l'amiante.
En effet, le refus du débat scientifique autour des effets sur la santé tel qu'il est aujourd'hui organisé, expose incontestablement à terme les populations à des risques. L'étude sur le maïs OGM MON 863, certaines études étrangères révèlent des effets significatifs sur des rats nourris avec des OGM tels que augmentation ou perte de poids, modifications de la formulation sanguine ou de certaines organes comme le foie, réponses immunitaires sérieuses.
Dans ces conditions, le projet de loi en tant qu'il organise le secret industriel sur les effets sur la santé (seuls les effets sur l'environnement sont exclus du secret industriel), en tant qu'il n'exige en rien les études préalables sur la santé avant la délivrance des autorisations, expose la population française à un risque qu'aucun avantage social ne vient contrebalancer et conduit le Parlement français à prendre une responsabilité considérable à l'égard des générations actuelles et futures si le texte devait être adopté en l'état.
En second lieu, le projet de loi n'est absolument pas satisfaisant en ce qui concerne la participation et l'information du public.
S'agissant, tout d'abord, de la participation, l'exposé des motifs du Ministère délégué à l'Enseignement Supérieur et à la Recherche indique que la consultation ne se fera que par Internet. Ceci est bien entendu tout à fait inacceptable et contraire aux dispositions de la directive qui exige une large information préalable du public et la possibilité pour celui-ci de faire valoir ses observations.
Par ailleurs, il n'est évidemment pas prévu que soit préalablement informée la commune de réception puisque c'est l'Etat qui décidera du point de savoir si le maire a le droit ou pas d'organiser une réunion d'information, ce qui est bien évidemment tout à fait anti-démocratique.
Il en va exactement de même de l'information du public.
D'une part, il n'est pas prévu réellement une information du public sur les lieux de dissémination et surtout les éléments concernant l'information du public sont très en retrait par rapport à ce qu'exige la directive communautaire puisque rien n'est dit au sujet de l'impact local de la dissémination.
Or, ce qui intéressera prioritairement les populations c'est précisément l'étude faite sur le milieu récepteur.
Or, à cet égard le projet de loi est totalement muet ce qui veut dire qu'en réalité aucune étude ne sera faite, comme c'est le cas aujourd'hui, sur le milieu récepteur et ce en violation des dispositions de la directive communautaire.
De la même manière, la composition de la Commission de Biovigilance est un leurre.
Le fait de limiter la présence de la société civile au 2ème Comité, le Comité non scientifique, lequel ne pourra être consulté que de manière facultative et qui ne disposera pas des éléments d'information dont disposera la Comité Scientifique, aboutit en réalité à confisquer une fois de plus l'information et à organiser le secret et l'opacité.
En réalité, tout le projet de loi ne vise qu'à organiser la confidentialité dans l'intérêt des firmes agro-semencières au mépris de l'information du public qui est un droit et un devoir pour les autorités publiques qui prennent ainsi une responsabilité immense.
S'agissant plus précisément de la responsabilité, le fonds d'indemnisation qui est créé ne répond absolument pas aux problèmes.
Il s'agit d'un fonds modeste qui ne pourra indemniser les dommages que dans une durée limitée à cinq ans.
Même si quelques agriculteurs Bio pourront peut être voir leur récolte indemnisée dans l'hypothèse où ils perdraient leur label, le problème des conséquences à moyen et long terme de la dissémination d'O.G.M n'est pas pris en compte. C'est le contribuable qui deviendra ainsi l'assureur en cas de contamination sur le long terme.
Enfin, un certain nombre d'autres dispositions méritent toute votre attention :
Il en va ainsi du nouvel article L.535-3 qui en cas d'information nouvelle mettant en lumière un risque donne simplement la possibilité à l'autorité administrative de prendre des mesures alors que la directive lui en fait une obligation.
En conclusion, ce texte offre des conditions de développement des organismes génétiquement modifiés particulièrement favorables en France.
Il faut que le Parlement en soit particulièrement conscient à un moment où la question même des O.G.M est reposée au niveau communautaire.
En effet, l'Autriche, tout à fait opposée aux O.G.M, organise un grand débat d'orientation sur ce thème au mois de juin.
En fonction des orientations qui seront prises, il est tout à fait possible qu'un certain nombre d'Etats donnent satisfaction à leur population et renoncent à une dissémination des O.G.M.
Alors que vous avez adopté en Congrès la Charte de l'Environnement qui reconnaît à chacun le droit à un environnement sain, j'espère que vos contributions, vos propositions d'amendement permettront de corriger le texte dans le sens d'une protection efficace des consommateurs et de l'environnement et d'une agriculture de qualité. Je me tiens évidemment à votre disposition pour vous apporter les explications et suggestions nécessaires.
En espérant que ma requête retiendra votre attention, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur le Député, l'expression de ma considération dévouée.
Bruno Landriot
délégué régional Cap 21 Rhône-Alpes
Contact presse :
Dr Bruno Landriot