La première directive de la Commission Européenne pour lutter contre les retards de paiements supportés par les entreprises dans leurs rapports inter-entreprises ou avec les pouvoirs publics a été publiée en 2000 (Directive 2000/35/CE). La portée de cette directive fut relativement restreinte : elle n'harmonisait pas les délais de paiement mais prévoyait un droit à des intérêts pouvant être demandés par le créancier 30 jours après la date de la facture (ou après un autre délai contractuellement négocié entre entreprises).
Sauf dispositions contractuelles contraires, le taux d'intérêt en cas de retard de paiement devait correspondre au taux directeur applicable (taux de refinancement principal de la BCE annoncé à 1 % pour l'année 2010), majoré d'une marge d'au moins 7 points ; chaque Etat membre étant libre d'appliquer un taux plus élevé.
En France, après vingt mois de débats parlementaires, la Loi n°2001-420 du 15 mai 2001 (dites Loi NRE – relative aux Nouvelles Régulations Economiques –), complétée par les décrets d'application et par la circulaire Dutreil de 2003 a procédé à la transposition partielle de la directive 2000/35/CE. (notamment l'art. L441 -3 et L441 -6 du Code de Commerce).
Rappelons que ladite directive dans l'art. 3.1.e) prévoyait « Les États membres veillent à ce que (….) mis à part les cas où le débiteur n'est pas responsable du retard, le créancier soit en droit de réclamer au débiteur un dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement encourus par suite d'un retard de paiement de ce dernier. Ces frais de recouvrement respectent les principes de transparence et de proportionnalité en ce qui concerne la dette en question. Les États membres peuvent, dans le respect des principes susmentionnés, fixer un montant maximal en ce qui concerne les frais de recouvrement pour différents niveaux de dette ».
Cette disposition semble « oubliée » par le législateur français qui est resté muet quant aux notions du « dédommagement raisonnable, des frais de recouvrement » ou encore du « montant maximal lié aux frais de recouvrement encourus par suite de retard de paiement du débiteur » et n'a pas jugé nécessaire de se pencher de manière plus approfondie sur cette question.
Pour autant le problème relatif au sort de frais de recouvrement reste bien actuel, ainsi que le démontre le jugement du 15/04/2009 rendu par la juridiction de proximité de Marseille et cassé par le récent arrêt de la Cour de Cassation du 20 mai dernier.
La nouvelle directive concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, adoptée le 20 octobre dernier par le Parlement Européen, vise à assurer une meilleure protection des créanciers. Elle semble, en outre, apporter un peu plus de lumière sur les frais de recouvrement supportés par les créanciers.
Les principales dispositions prévues par le nouveau dispositif communautaire sont :
- Le délai de paiement de 30 jours par les pouvoirs publics aux entreprises (Ce délai peut être porté à 60 jours dans les circonstances exceptionnelles).
- Le délai de 60 jours pour le paiement de factures dans les relations inter-entreprises. Les entreprises peuvent prévoir, dans leurs relations contractuelles, les délais et modalités différents à conditions qu'ils ne soient pas manifestement abusifs ;
- Le taux d'intérêt légal a été porté à au moins 8 points au dessus du taux de refinancement principal de la BCE (au lieu de 7 points prévus par la Directive 2000/35/CE).
Le Conseil et Le Parlement Européen semblent parvenir également à un accord sur le droit des créanciers à réclamer un dédommagement pour les frais de recouvrement encourus.
En effet, les dispositions de l'art. 4 de la nouvelle Directive prévoient notamment :
- le droit du créancier d'obtenir du débiteur, comme minimum, le paiement d'un montant forfaitaire de 40 €, lorsque des intérêts pour le retards de paiement sont exigibles dans des transactions commerciales ;
- le montant de 40 € vise à indemniser les créanciers pour les frais de recouvrement encourus et doit être exigible sans qu'un rappel soit nécessaire ;
- le droit pour le créancier de réclamer au débiteur, outre le montant forfaitaire de 40 €, un dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement, venant en sus dudit montant par suite d'un retard de paiement du débiteur.
Ces frais supplémentaires peuvent comprendre les dépenses engagées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances.
Rappelons que la directive communautaire lie les Etats membres quant au résultat à atteindre tout en laissant à chacun une entière liberté sur la forme et les moyens permettant la transposition dans leurs législations internes.
En ce qui concerne la nouvelle directive concernant les délais de paiement, les gouvernements nationaux ont 24 mois pour s'adapter à la nouvelle réglementation.
Il faudra donc attendre encore plusieurs mois avant que le législateur français ne se prononce sur la compatibilité de la nouvelle Directive avec la réglementation nationale et notamment avec la loi du 9 juillet 1991 qui stipule dans son article 32 :
« Sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit pas la loi, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier ».
Gerard Gorrias
Maître en Droit Privé
Directeur Développement de
FRANCE CREANCES
Ancien Président de l'ANCR
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GERARD GORRIAS