Lors de la Journée d'Etude Nationale de la SFCoach, les intervenants et le public se sont interrogés sur l'influence de la perception du Management sur les prescriptions de coaching. Le coach doit-il subir les modes et façonner les coachés selon les tendances et perceptions du moment ou rester le garant d'une intégrité intellectuelle et humaniste en posant des garde-fous et des limites à la « Managérisation » à tous crins des salariés ? La question est posée.
A l'occasion de sa dernière Journée d'Etudes Nationale, la
Société Française de Coaching, organisation référente du coaching professionnel
en France, a accueilli l'universitaire et coach Philippe Verzanobres qui s'est
exprimé sur « Les évolutions du Management et leur impact sur le
coaching ».
Selon l'intervenant, la littérature académique et les échanges
entre professionnels du Management et des RH mettent régulièrement en avant un « Manager du XXIème siècle».
Ce nouveau Manager devrait étoffer son corps de compétences
de vertus humanistes (ouverture, attention, intelligence émotionnelle…) et
d'aptitudes au leadership (vision stratégique, capacité à faire émerger
l'innovation…). Cette évolution se manifeste concrètement au niveau des
référentiels de compétences et des prescriptions de coaching. Elle impacte
ainsi le rôle du coach.
Il convient toutefois de faire la part des choses entre le discours théorique et la réalité
terrain. Si le métier de Manager évolue indéniablement, chaque époque se
caractérise par son idéal-type, son « Manager désirable ». Le recul
historique et théorique peut alors aider à mieux cerner ce qui relève du
mouvement de fond et de l'effet de mode dans le portrait du Manager du XXIème
siècle.
Se pose ensuite la question
du positionnement du coach face à l'évolution des attentes vis-à-vis du Manager.
Doit-on accompagner le mouvement, façonner le Manager qu'il est demandé de
produire ? N'y a-t-il pas un risque, pour les coaches, de contribuer à
l'illusion d'un « super-Manager » ?
Pour Bernard Soria, coach et Vice-Président de la
SFCoach : « le coach se doit
d'être conscient des évolutions des modes d'organisation et de management dans les
entreprises afin de jouer pleinement son rôle. Réflexivité, ouverture et
professionnalisme sont des valeurs clés de notre profession, promues par notre
association ».
Les évolutions du Management
: un discours qui change plus vite que les hommes ?
Le Manager n'est pas un
leader. À la fin des années 1970, la littérature soulignait la différence de
nature entre le profil du Manager et celui du leader. D'après Abraham
Zaleznik (1977 : « Managers and
Leaders : are they different ? »), le Manager est un calculateur
rationnel : il gère des processus, noue des relations impersonnelles et
utilitaires, résout des problèmes ciblés sans avoir nécessairement de vision
globale. Le leader, au contraire, a une personnalité créative : il est centré
sur la vision, il tolère le chaos et a un rapport intuitif aux autres. En
somme, le Manager s'oppose au leader comme le scientifique à l'artiste.
Tous leaders. Dans les années
2000, la distinction entre le Manager et le leader n'est plus d'actualité.
On attend des aptitudes au leadership à tous les niveaux d'une entreprise et, a
fortiori, dans le Management (cf. l'ouvrage collectif dirigé par J.-M. Peretti
2011 : « Tous leaders »).
Pour cause, le Manager évolue dans une réalité plus floue, moins formelle : des
organisations transversales, qui fonctionnent au projet et en réseau. Le Manager
se doit alors de donner du sens dans un environnement plus incertain.
Le Manager, un leader
sensible et humain. À partir des années 2010, la littérature est marquée par l'évolution
d'une vision héroïque du Manager vers un héros plus humain. Le Manager doit
faire du rapport à l'autre un outil de travail : l'intelligence émotionnelle
fait son apparition dans les prescriptions de coaching et on attend du Manager
qu'il contribue au bien-être de son équipe.
Le Manager du XXIème
siècle. Dans un livre récent (2014 :
« Le Manager du XXIème
siècle »), Philippe Détrié présentait le défi du Manager contemporain en quatre mots-clefs : ouverture, agilité,
attention et coopération. A cela s'ajoute, suivant le conférencier,
l'apparition des idées de citoyenneté et de communauté. Car le Manager
d'aujourd'hui est amené à évoluer dans des structures moins hiérarchisées, ce
qui suppose une attitude plus démocratique.
Ainsi, quant au rôle du
coach face aux évolutions du Management, Philippe Vernazobres et la SFCoach remarquent que les prescriptions de coaching donnent parfois
l'impression d'attentes disproportionnées.
On voudrait que le Manager du XXIème siècle soit le Manager d'hier,
mais en mieux. On attend toujours de lui une capacité à rechercher la
performance, mais ce, avec humanité et dans le cadre d'une vision stratégique.
L'impact sur le
coaching
Beaucoup de missions de
coaching visent à permettre à un employé de développer des compétences managériales (Exemples d'objectifs : « Passer d'une posture opérationnelle à une posture stratégique » ;
« développer des compétences politiques
et stratégiques » ; « aider à créer
une vision et à donner du sens » ; «
développer intelligence émotionnelle et relationnelle »). Aujourd'hui, est
observée une forme d'inflation des référentiels de compétences sur lesquels
sont basées ces prescriptions. Ils dressent le portrait d'un Manager désirable,
un idéal-type inatteignable : un surhomme qui peut rassurer, guider, donner du
sens et, dans le même temps, qui met suffisamment la pression pour chercher la
performance. La question est donc de
savoir si c'est le rôle du coach que de faire entrer le client dans le costume
d'un super Manager.
L'intervenant souligne alors l'importance d'un travail
pédagogique vis-à-vis des ressources humaines :
• En tant que coach, il ne faut pas
hésiter à pointer les injonctions
paradoxales dans les référentiels de compétences (l'injonction à contribuer
au bien-être des employés et, dans le même temps, l'injonction à obtenir de la
performance).
• Il ne faut
pas non plus hésiter à pointer les
risques d'attentes disproportionnées vis-à-vis des employés, et la
production d'un sentiment d'imposture.
• Il peut
aussi être souhaitable de rappeler quelques fondamentaux de l'hygiène psychologique : les individus ne sont pas
de la pâte à modeler, capables de s'adapter sans difficulté à des changements
professionnels permanents brouillant tout point de repère stable (organisation,
hiérarchie, process…). Face à cette idéologie du changement, il est important
de rappeler que la résistance au changement peut s'inscrire dans des mécanismes
de défense psychologique qui contribuent à une bonne santé mentale. Ou encore
que des acteurs peuvent sainement s'opposer au changement pour des raisons
politiques, sans que cela soit un signe de dysfonctionnement psychologique.
Pour Bernard Soria, Vice-Président de la SFCoach, la
qualité et la rigueur du processus de coaching en termes de cadre (tripartite
ou quadripartite : coach, coaché, n+1 et/ou DRH), d'élaboration de la demande
et des axes de travail… sont essentiels pour éviter des dérapages éventuels.
A propos de Philippe Vernazobres
Maître de conférences en Management à l'ENSCP
et chercheur à l'Université Paris-Est, Philippe Vernazobres intervient en
accompagnement individuel et collectif auprès de dirigeants, de chefs
d'entreprise et de managers. Docteur en Gestion des Ressources Humaines, Agrégé
d'économie et de gestion et diplômé de coaching de l'Université Paris 8, il
intervient également dans différentes formations de coachs.
A propos de la SFCoach
Créée en 1996, la Société Française de Coaching
est la première organisation professionnelle représentative du coaching en
France, par son ancienneté et en nombre de membres Accrédités. Elle a pour
mission de promouvoir et développer une approche exigeante du coaching
professionnel. Elle est spécialisée sur la pratique d'un accompagnement
personnalisé relatif à des problématiques professionnelles, tant pour des
dirigeants, managers et collaborateurs d'entreprises ou organisations, que pour
des particuliers, désireux de bénéficier de cette approche en dehors de tout
lien avec leur employeur. Sa stratégie se décline sur trois axes : recherche et
développement, professionnalisation des acteurs et communication sur le métier.
Ses valeurs sont l'ouverture, le professionnalisme et la réflexivité. Reconnue
pour ses processus d'accréditation rigoureux et un Code de Déontologie qui fait
référence dans la profession, elle propose des garanties d'engagement éthique
et de haute compétence pour le coaching professionnel. Elle mène régulièrement
des actions de valorisation et de développement de cette pratique. Plus
d'informations sur www.sfcoach.org
Contact presse :
Muriel Grimaldi
Evolve Relations Médias