Les perturbations du sommeil sont rarement au 1er plan des plaintes, en raison semble t-il de leur chronicité et de la prédominance du « couple douleurs diffuses-fatigue ».Les troubles du sommeil mais aussi de l’éveil seraient en quelque sorte « noyés » parmi les nombreuses plaintes exprimées.
En effet, les malades se plaignent peu spontanément du sommeil lui-même mais plutôt de ses conséquences (fatigue, réveil pénible, raideur et courbatures au réveil).
Pour certains auteurs(Mc Farlane, M.Rizzi, H.Moldofski) l’intensité des douleurs diffuses et les points douloureux d’examen seraient corrélées à la sévérité de la dysomnie.
Dès 1976, le Dr H.Moldofski a bien démontré la possibilité de reproduire des symptômes de type fibromyalgie par des épreuves de privation du sommeil chez l’homme sain volontaire. Selon le psychiatre canadien, les sujets fibromyalgiques ont un sommeil fragmenté (sommeil entrecoupé de nombreux micro-éveils).
Cette hypervigilance nocturne cérébrale serait destructrice de l’architecture du sommeil principalement du sommeil lent profond (SLP : stade 4) réparateur.
Pour le Dr H Moldofsky, ces anomalies ne sont pas dues à la douleur chronique mais en sont l\'origine. Le sommeil n\'a plus son rôle régénérateur.
Ainsi, la correction des troubles du rythme veille-sommeil des fibromyalgiques deviendrait prioritaire dans la prise en charge thérapeutique de ces patientes.
La sérotonine, neuromédiateur cérébral et médullaire, impliquée à la fois dans la régulation des voies de la douleur nociceptive et le sommeil fait le lien physiopathogénique entre ces deux fonctions déréglées dans le syndrome de fibromyalgie (FMS).
Le FMS état douloureux diffus serait une sorte de « rhumatisme du sommeil ».
Etre fibromyalgique sans troubles du sommeil n’est guère possible.
90 % à 100 % des patients fibromyalgiques ont des troubles du sommeil, mais pour autant la dysomnie est considérée comme un critère mineur non indispensable au diagnostic selon la définition actuelle du FMS.
Pour les 10 % de patients à sommeil réparateur, les symptômes diurnes sont améliorés significativement confirmant le lien physiopathogénique entre FMS et rythme circadien veille-sommeil.
Les anomalies du sommeil et de l’ éveil du FMS
Les anomalies quantitatives et qualitatives des troubles du sommeil des fibromyalgiques sont bien différentes d’autres pathologies du sommeil, bien que non totalement spécifiques prises isolément (tracé « alpha-delta »).
L’architecture globale du sommeil fibromyalgique est quant à elle particulièrement perturbée témoignant de l’instabilité veille-sommeil et de l’incapacité du cerveau à maintenir un sommeil de qualité, réparateur.
Le sommeil des patients fibromyalgiques est de mauvaise qualité subjectivement vécu comme non réparateur
Les anomalies observées dans le FMS intéressent à la fois la continuité du sommeil, sa macro et microarchitecture, l’éfficacité du sommeil et la qualité de l’éveil (difficultés du lever, somnolence diurne, fibrofog).
Le sommeil des fibromyalgiques se caractérise essentiellement par une activité « alpha anormale »
De nombreuses études polygraphiques ont objectivé surtout une activité alpha anormale en sommeil lent profond dite activité alpha-delta mais aussi des complexes K-alpha, indices de la fragmentation du sommeil.
Ces activités alpha anormales signifient une intrusion de l’éveil dans le sommeil profond ce qui altère la fonction restauratrice du sommeil.
Ces données ont été confirmées par l’analyse spectrale de l’activité EEG au cours du sommeil qui a montré une augmentation de la puissance des bandes à hautes fréquences ainsi qu’une diminution de celle des bandes à basses fréquences.
Ces anomalies expliquent en partie la symptomatologie diurne de ces patients avec une bonne corrélation dysomnie, douleurs diffuses, points douloureux d’examen aux sites spécifiques et fatigue.
Cependant elles ne sont pas spécifiques de la fibromyalgie et sont observées chez des sujets sains privés de sommeil lent profond.
Par ailleurs, les patients fibromyalgiques peuvent présenter des troubles primaires du sommeil comme le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) et le syndrome des mouvements périodiques des membres inférieurs ou syndrome des jambes sans repos (SJSR).
Listing des perturbations du sommeil des patientes fibromyalgiques
Le temps de latence d’endormissement est court, ne traduisant pas de problème d’hypnagogie dans cette pathologie.
La durée totale de sommeil est légèrement diminuée voire normale.
La durée totale des éveils est augmentée. Ce sont parfois des éveils de très courte de durée ou microéveils. Le sommeil est fractionné.
Le stade 4 est effondré.
A l’EEG, on note l’intrusion d’ondes alpha rapides de type éveil dans le sommeil profond aux ondes lentes de type delta, mais aussi moins fréquemment des ondes alpha intriquées aux ondes biphasiques K.
Le tracé « alpha-delta » correspond à un état d’hyper vigilance, le patient a du mal à se détendre, tant physiquement qu’intellectuellement.
Le CAP (Cyclic Alternating Pattern) correspond dans l’architecture du sommeil à une instabilité cérébrale témoignant de la fatigabilité du cerveau avec oscillation entre 2 états opposés de réveil (A:aisé, B:difficile).
Incapable d’assurer une architecture normale du sommeil, le patient fibromyalgique présente une durée des phases A augmentée. Ce taux est corrélé négativement avec l’efficacité du sommeil et corrélé positivement avec la sévérité des symptômes cliniques (score de points douloureux), la durée de la fibromyalgie (en année), les troubles respiratoires nocturnes et le score ESS (Epworth Sleepiness Scale) de somnolence diurne.
M.Rizzi et al 2004, McFarlane et al 1996
45 % des patients fibromyalgiques ont des secousses périodiques dans les jambes pendant la nuit comme dans le SJSR (syndrome des jambes sans repos) ce qui nuit au relâchement musculaire et fractionne le sommeil.
La diminution du facteur-1 de croissance semblable à l’insuline (IGF-1) et métabolite de l’hormone de croissance (GH :growth hormone) au début du sommeil profond est le reflet de la dérégulation des fonctions du système neuroendocrine .
RM Benett 2002
GH intervient aussi dans les processus de réparation des cellules musculaires (myocytes).
La dysautonomie nocturne se traduit par une augmentation de l’activité sympathique concordant avec les épisodes d’éveils périodiques (Martinez-Lavin 1998) et participe à l’épuisement du système de lutte contre le stress.
Les patients FM se plaignent en général de sensation de sommeil non réparateur, perçu comme non bénéfique. Unger et al 2004 .Cette perception d’un sommeil de mauvaise qualité est récurrente.
L’efficacité du sommeil qui correspond au rapport temps de sommeil effectif et temps passé au lit et médiocre.
Dans les rares cas où le sommeil apparaît réparateur, les symptômes diurnes sont améliorés ce qui suggère que la physiopathologie circadienne de veille-sommeil contribue à la pathogénèse du FMS.
Les perturbations du sommeil par des signaux sonores lors de phases de sommeil profond au cours de 3 nuits consécutives induisent un état d’hyperalgésie généralisée, une hypersensibilité à la pression des sites anatomiques du FMS et de la fatigue chez des femmes saines d’âge moyen (Lentz et col 1999)(Moldofsky 1976) .La privation totale de sommeil,
La privation partielle de sommeil profond et de sommeil paradoxal abaissent les seuils de tolérance à la pression douloureuse.
Les épisodes de somnolence diurnes sont assez fréquents perturbant la qualité de vie des FM.
Les sujets FM présentent souvent une déficience cognitive à type de troubles de la concentration, vigilance, calcul mental (« fibrofog » des anglosaxons), anomalies liées à la perturbation chronique du sommeil.
Cote et Moldofsky 1997.
Tableau récapitulatif des perturbations du sommeil de patientes fibromyalgiques, comparativement à un groupe témoin: http://www.labrha.com/sommeil-patientes-fibromyalgiques.aspx
Conclusion :
Le FMS est une affection, fréquente, multifactorielle, où l’implication de facteurs psychologiques, environnementaux, génétiques, neurochimiques (sérotonine) et du facteur sommeil explique la complexité de la prise en charge de ces patients.
Ces multiples facteurs interviennent à différents niveaux dans la genèse des symptômes de cette affection.
La relation démontrée entre troubles du sommeil et état douloureux diffus avec sensibilité accrue à la pression de zones sensibles implique que la prise en charge thérapeutique de la dysomnie devienne un objectif prioritaire du FMS .
Dr Jean-François MARC
Rhumatologue
www.labrha.com
Contact presse :
Patrick Sac-Epée