Paul Taylor, vice-président Europe, Russie et Afrique, AspenTech
Le gaz de schiste marque une nouvelle ère dans le secteur de l'énergie. Est-ce le catalyseur de la croissance économique, de la création d'emplois, de l'augmentation des recettes publiques et de l'amélioration de la rentabilité des opérations de production ? En dehors du débat sur l'environnement, l'exploration du gaz de schiste constitue un moyen viable de réduire les prix du gaz et de répondre à la demande d'énergie dans le monde. Dans ces conditions, quelles sont les perspectives d'avenir pour cette source d'énergie non conventionnelle ?
D'un côté, l'offre abondante de gaz de schiste et son succès aux États-Unis donnent un nouvel élan à des industries telles que le raffinage et la pétrochimie, tout en réduisant les coûts d'exploitation des industries connexes, y compris des producteurs et des fabricants d'acier. De l'autre, le gaz de schiste est encore une ressource inexploitée pour de nombreuses régions qui s'appuient sur les matières premières conventionnelles telles que le pétrole et le gaz ; le potentiel de croissance commerciale est donc énorme.
Le gaz de schiste, un levier de croissance
Par exemple, aux États-Unis, le gaz de schiste présente l'avantage d'être une matière première alternative attrayante par rapport au pétrole brut relativement coûteux. En conséquence, les producteurs américains de naphte et de produits pétrochimiques bénéficient désormais d'un avantage économique majeur par rapport aux concurrents étrangers qui dépendent des matières premières liquides. À titre de comparaison, le Moyen-Orient est toujours le premier producteur de matières premières. Toutefois, la disponibilité du gaz devient un problème. C'est pourquoi de nombreux sites pétrochimiques se tournent vers les matières premières liquides et perdent ainsi leur avantage concurrentiel.
À titre d'exemple, l'Arabie saoudite envisage d'exploiter ses réserves de gaz non conventionnel. Le Koweït et les Émirats arabes unis examinent également le potentiel de cette ressource. Le Qatar n'est pas tributaire du gaz de schiste, mais il cherche à mettre fin à son indexation des prix du pétrole et à passer à des accords plus souples. Globalement, il est difficile de savoir dans quelle mesure les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) dépendront des ressources de gaz non conventionnel. Toutefois, à long terme, il est presque certain que le gaz de schiste jouera un rôle dans le portefeuille énergétique du Moyen-Orient, car les prix des matières premières plus traditionnelles continuent de fluctuer et le marché reste volatile.
L'Europe dispose de vastes réserves de gaz de schiste et ses avantages économiques pourraient encourager son exploration. Il est vrai que les gisements de gaz de schiste européens sont plus difficiles à explorer sur le plan géologique que ceux des États-Unis. Le forage peut nécessiter un usage intensif des terres, ce qui pourrait avoir des effets perturbateurs ou s'avérer coûteux dans une Europe densément peuplée. Cependant, avec les techniques d'arpentage, les technologies et les compétences appropriées, l'exploitation est viable d'un point de vue commercial. Le Royaume-Uni a récemment introduit des allégements fiscaux pour les entreprises qui investissent dans le gaz de schiste, afin de stimuler l'attrait de ce type de projet. Des programmes d'investissement ont déjà été lancés avec l'énergéticien français Total, qui a récemment annoncé avoir pris une participation de 40 % dans deux permis d'exploration de gaz de schiste au Royaume-Uni. Les projets d'exploration de gaz de schiste de Total couvrent également les États-Unis, l'Argentine, la Chine, l'Australie et le Danemark.
Les États-Unis bénéficient d'importants avantages avec l'essor du gaz de schiste, mais la Russie dispose de ressources pétrolières de schiste en grande partie extractibles. Les ressources pétrolières de schiste de la Russie sont plus facilement extractibles sur le plan technique que celle des États-Unis (75 milliards de barils contre 58 milliards de barils, selon l'agence Energy Information Administration). Le gaz naturel n'est pas une simple forme de combustible carboné : il est 50 % plus propre en termes d'émissions de CO2 que le charbon et 25 % plus propre que le pétrole. Lorsqu'il est exploité avec les nouvelles technologies de production d'énergie et que sa production est décentralisée, ce qui réduit les pertes sur le réseau de transport, les économies réelles de carbone par rapport au charbon peuvent atteindre 70 %. Compte tenu de ces éléments et des importants problèmes environnementaux auxquels la Chine est confrontée du fait de sa forte dépendance au charbon, le gouvernement chinois a élaboré des plans de développement favorisant le gaz de schiste plutôt que le charbon pour réduire les émissions et exploiter les opportunités financières. Fait décisif, la Chine a presque deux fois plus de réserves de gaz de schiste extractibles que les États-Unis. Les pays qui pourront exploiter leurs réserves de gaz de schiste durablement à l'avenir bénéficieront d'avantages économiques considérables.
La révolution du pétrole et du gaz non conventionnels a également contribué à renforcer le leadership des grands groupes de l'industrie pétrolière et gazière. Selon Wood Mackenzie, société internationale de conseil et d'analyse dans le secteur de l'énergie, le classement des 20 premières sociétés d'énergie reste pratiquement inchangé. Les quatre premières sont Saudi Aramco, Gazprom, la National Iranian Oil Company et ExxonMobil. Rosneft, Shell PetroChina, Pemex, Chevron et Kuwait Petroleum Corporation figurent toutes parmi les dix premières.
Outils requis
La création d'emplois liée directement au gaz de schiste reflète la forte demande d'ingénieurs et de compétences dans les disciplines primordiales, de l'ingénierie chimique et la gestion opérationnelle à la direction d'entreprise.
Le gaz de schiste, qui est un gaz naturel, peut créer des millions d'emplois à l'échelle mondiale et rapporter des milliards de dollars de PIB. Pour soutenir l'expansion de la production dans l'industrie du gaz de schiste, une augmentation importante des dépenses d'investissement et de l'emploi est attendue. Selon un récent rapport d'IHS, les activités de l'industrie du gaz de schiste ont permis de créer plus de 600 000 emplois aux États-Unis en 2010 et IHS prévoit un croissance du secteur de 45 % supplémentaires en 2015, avec la création de 270 000 nouveaux emplois. En fait, d'ici 2035, IHS estime que les activités liées au gaz de schiste créeront 1,6 million d'emplois aux États-Unis. La majorité des dirigeants d'entreprise sont optimistes quant à leurs perspectives de croissance à long terme et prévoient déjà la poursuite de la croissance dans l'industrie pétrolière et gazière. Le besoin d'expertise en ingénierie offre de belles perspectives en matière d'emploi et de nombreux services d'étude recrutent et forment rapidement des personnes pour se préparer à la croissance.
Le développement de l'activité est en corrélation avec le besoin de compétences appropriées. De plus en plus d'entreprises investissent dans des technologies avancées pour aider les ingénieurs à répondre à la demande et à atteindre les objectifs opérationnels. L'extraction de gaz naturel à partir de formations de schiste non conventionnelles est devenue plus viable tant sur le plan technologique qu'économique en raison de l'amélioration des techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique. D'un autre côté, la demande de technologies avancées augmente également, y compris la demande d'outils de simulation de procédés. La technologie est donc essentielle pour les entreprises qui souhaitent transporter et traiter les réserves de gaz. Les technologies logicielles répondent au besoin de réduire les coûts. En adoptant des logiciels d'ingénierie, les entreprises peuvent créer de nouvelles installations de traitement du gaz et des liquides plus rapidement, et améliorer le retour sur investissement. Ces logiciels réduisent les investissements initiaux en optimisant les procédés stationnaires et dynamiques, ainsi que les coûts d'exploitation en intégrant des modèles de simulation avec des données de production pour la planification des opérations et l'aide à la décision. Dans un contexte opérationnel, aspenONE optimise la fabrication et les chaînes logistiques soumises à la réduction des coûts, à la charge d'alimentation, aux contraintes et à la demande, tout en offrant l'agilité requise pour s'adapter à l'évolution du marché. Pour une rentabilité optimale, il est indispensable de tirer le meilleur parti des actifs lorsque les marges sont étroites sur des marchés de plus en plus concurrentiels. Les logiciels conçus pour l'industrie des procédés optimisent les opportunités offertes par les zones de gaz de schiste non conventionnelles en alignant les stocks et la distribution sur la demande du marché.
Perspectives d'avenir
Les avantages à long terme du gaz de schiste sont potentiellement énormes. La baisse des coûts de l'énergie se traduira par une baisse des coûts de fabrication et les investissements dans le secteur seront considérables, y compris dans les secteurs de la chimie, de l'ingénierie, des technologies et de l'emploi. Les responsables gouvernementaux et les investisseurs commerciaux qui rejettent les technologies d'extraction du gaz de schiste et les considèrent comme une niche doivent tenir compte des conséquences à long terme. La croissance du marché se traduit par une économie florissante, des perspectives d'emploi, le développement de compétences précieuses et éventuellement une approche équilibrée des portefeuilles énergétiques, où le recours à des sources d'énergie traditionnelles a été limité aux matières premières des régions riches en énergie produite dans des centrales électriques. Le non conventionnel pourrait bientôt devenir conventionnel.
Il est difficile de prévoir la dynamique de l'industrie pétrolière et gazière, ainsi que les perspectives commerciales. Néanmoins, dans un avenir proche, une chose est certaine : la demande d'énergie dans le monde va continuer à augmenter. Produit au moyen de technologies avancées, exploité avec des compétences et des investissements industriels, et régi par des politiques environnementales rigoureuses, le gaz de schiste jouera un rôle essentiel dans les portefeuilles énergétiques et restera un catalyseur d'une croissance rentable.
Contact presse :
Claire du Boislouveau / Sandrine Mahoux