Etienne Gros : À bras le corps
Du 15 novembre au 17 décembre 2011, la Galerie BE-ESPACE, dirigée par Brian Elliott Rowe, accueille pour la première fois Etienne GROS, Rive Droite. À travers une vingtaine de tableaux, l'artiste témoigne de son obsession pour le corps : un corps sujet, humain avant d'être masculin ou féminin. Brute, voire rugueuse au premier abord visuel, la matière se révèle, à travers la flamboyance des couleurs, d'un toucher velours. Elle souffle le froid des gris cendres et charbon, le chaud des orangés braises.
Etienne GROS compose abstrait. D'abord sur du papier, il déverse à foison les couleurs. À plat, la toile à même le sol. Les teintes se mêlent, s'évitent, définissent leurs territoires. Souvent, elles vont par trois, lumineuses et sereines. On passe à la verticale, le volume apparaît. Les courbes se dessinent, le relief tente des percées. Alors l'artiste façonne : il gratte au cutter ses peaux, comme s'il tannait un cuir. Et, sous ses mains, la matière accouche de personnages qui ne demandent qu'à naître, qu'à vivre. Dans cette mue esthétique, l'épiderme écorcé vif, ravive les traces de scarifications, d'empreintes tribales aux aspects de lichens. Etienne GROS reprend, retravaille son ouvrage, brosse métallique, impose la forme, les formes. Il veille à l'équilibre des proportions, se plie aux règles de l'anatomie donnant vie à des corps à part entière, même s'ils ne s'affichent que partiellement : un dos, un torse, une épaule…
Ni maigres, ni enrobés, ces physiques-là respirent la plénitude. Rarement sexués, ils sont sans ambiguïté. Même si la courbe d'un sein ou d'un fessier ne laisse aucun doute sur l'identité, tel n'est pas le propos d'Etienne GROS. Pour lui, l'être humain prime sur le masculin ou le féminin. Rarement des têtes, juste un cou, une nuque. L'œil du spectateur prolonge la silhouette, invente le mouvement au-delà d'une apparente statique. Souvent seuls sur la toile, les corps d‘Etienne GROS vont parfois par deux, corps à corps. Matures, ils s'épousent, s'imbriquent, s'enlacent, peau contre peau. Même lorsqu'il nous montre la fusion de deux êtres, le peintre s'arrête avant qu'ils ne fassent qu'un. Respect de chacun, l'abandon charnel ne laisse pas seul, il renvoie à l'altérité.
Dans sa série de « Fumées », l'artiste nous montre comment il met sa maîtrise technique au défi du hasard. A la flamme de ses bougies, de ses lampes à pétrole, il guide autant la mèche sur le papier qu'il s'en remet à l'aléatoire. Le dépôt de carbone décrit des arabesques, contourne d'éventuels caches, jusqu'à faire apparaître le corps, cette fois dans une interprétation plus éthérée.
Etienne GROS naît en 1962 à Saint-Dié-des-Vosges. Dès sa plus tendre enfance, il se passionne pour le dessin et la peinture. Il étudie aux Beaux-Arts d'Épinal, de Versailles et obtient le Diplôme des Beaux-Arts de Paris. Il est Grand Prix Azart, au salon parisien Mac 2006. Il expose régulièrement en France ainsi qu'en Europe et aux États-Unis. Souvent qualifiée de façonnage, on pourrait dire de sa peinture, en parodiant Baudelaire, qu'elle est « belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, fait pour inspirer au poète un amour éternel et muet ainsi que la matière ». D'autant que sa palette minérale enveloppe ses corps de gris, tels des statues-rochers passeurs de temps, d'énergie.
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