Alors que les pouvoirs publics encouragent les associations à se regrouper, des freins importants, au niveau de la fiscalité notamment, les en dissuadent. Christian Alibay, associé référent Baker Tilly France pour le secteur associatif, et président du groupe Fusions et regroupements d'associations à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, explique pourquoi.
De nombreuses raisons incitent les associations à « fusionner ». Certaines sont vieillissantes, sans projet réel, d'autres ont des difficultés financières. Des responsabilités de plus en plus importantes pèsent sur les membres du conseil d'administration, qui, dans le même temps, doivent disposer de compétences (juridiques, de gestion…) toujours plus larges. Et les pouvoirs publics quant à eux, dans un souci de rationalité et de simplification d'octroi des financements, souhaitent avoir comme interlocuteurs des associations moins nombreuses et plus grandes.
Cette tendance aux fusions d'associations est dans l'air du temps. Or, si la volonté existe, force est de constater que la réalisation de ces fusions est problématique.
> Les « fusions » entre associations n'existent juridiquement pas
Le terme « fusion » entre associations n'est pas approprié, les fusions n'existant pas au plan juridique, dans la mesure où il n'existe aucune règle gouvernant les regroupements des structures de l'économie sociale : associations, fondations, et fonds de dotation. En effet, contrairement au secteur marchand, où les opérations sont réglementées par le règlement 2004-01 du comité de la réglementation comptable, il n'en est rien pour les structures susvisées.
En conséquence, aujourd'hui, ce qu'on appelle les opérations de regroupement, c'est-à-dire les fusions, scissions, et apports partiels d'actifs, ne sont pas réglementées. Elles sont laissées à l'appréciation des parties. Ceci signifie qu'une « fusion » entre associations peut se faire soit à la valeur comptable, soit à la valeur réelle. Il s'agit d'une décision des parties.
Au plan juridique, seule la loi de 1901 s'applique à ces organismes. Il n'existe pas d'autres règles et cette loi n'a rien prévu en la matière.
Au plan fiscal, les regroupements entre structures non fiscalisées n'appellent aucun commentaire lorsque ni l'association absorbante, ni l'association absorbée ne sont assujetties aux impôts commerciaux.
> Seules les associations totalement ou partiellement fiscalisées sont concernées par ces difficultés
Pour les organismes totalement ou partiellement fiscalisés auxdits impôts, la situation est plus complexe. En effet, jusqu'à un passé récent, la doctrine administrative autorisait ces regroupements à se placer sous le régime de faveur de l'article 210-A du Code général des impôts, selon lequel les résultats dont l'imposition est différée ainsi que les plus-values latentes sont repris tels quels au passif de l'organisme « receveur » et par conséquent non imposés immédiatement.
Depuis un arrêt récent de la Cour d'appel de Douai et un rescrit dont la réponse a été reçue en 2011, l'administration a confirmé qu'elle n'entendait plus, dans le cadre de ces opérations, accepter le bénéfice de l'article 210-A. En conséquence, désormais, si elle ne veut prendre aucun risque fiscal, l'association « absorbée » sera considérée comme procédant à sa dissolution avant de rejoindre l'association absorbante, avec toutes les conséquences fiscales attachées à une dissolution, c'est-à-dire l'imposition immédiate des résultats et des plus-values en report d'imposition.
Par conséquent, il existe un risque fiscal important qui va freiner les opérations de regroupement de structures fiscalisées ou partiellement fiscalisées, dans un contexte où justement elles sont encouragées à se regrouper.
Au regard des droits d'enregistrement, l'administration fiscale a confirmé que ces regroupements pouvaient être opérés au droit d'apport fixe de 375 euros. C'est ainsi que les traités d'apport sont enregistrés à ce droit fixe et que les apports d'actifs constitués d'immeubles ne sont pas assujettis à un autre droit, mais simplement soumis aux émoluments du notaire qui va procéder à la mutation immobilière par un acte authentique (depuis 2011) et au salaire du conservateur des hypothèques.
> Un imbroglio juridique
En 2005, un groupe de travail s'était réuni à l'initiative du Conseil national de la vie associative (aujourd'hui, depuis juillet 2011, Haut conseil à la vie associative) au Conseil national de la comptabilité (aujourd'hui Autorité des normes comptables). Etaient présents autour de la table, notamment, des représentants de ces deux instances, la Chancellerie, la Cour des comptes et la direction de la législation fiscale.
Après plusieurs réunions, ce groupe a dû être suspendu dans la mesure où les propositions d'aligner les regroupements d'associations avec les règles prescrites par le CRC 2004-01 ont échoué. Pour une raison simple : un règlement comptable (un arrêté) est d'un niveau hiérarchique inférieur à la loi, en l'occurrence la loi du 1er juillet 1901, qui ne prévoit rien en la matière. En conséquence, pour adopter une règle comptable, il aurait fallu que la loi de 1901 évolue préalablement dans ce sens.
La Chancellerie devait examiner ce point. Mais rien n'a abouti jusqu'à aujourd'hui. Déjà, lors de la dernière réunion de ce groupe de travail, la direction de la législation fiscale avait indiqué qu'elle n'entendait plus, à défaut de réglementation relative aux regroupements d'associations, faire bénéficier ces organismes du bénéfice de l'article 210 –A du CGI. Ce qu'elle a aujourd'hui acté par deux décisions (voir supra).
Le motif de refus de l'administration fiscale de faire bénéficier les associations de l'article 210-A est qu'il n'y a pas, entre associations qui se regroupent, un échange de titres, contrairement aux fusions de sociétés commerciales. Il faudrait donc élargir l'article 210-A, ce à quoi l'administration se refuse. Cette position est d'autant plus incompréhensible que les mutuelles peuvent bénéficier de ce régime alors qu'il n'y a pas non plus échange de titres entre mutuelles.
Pour les organismes totalement ou partiellement fiscalisés auxdits impôts, il a été évoqué récemment la possibilité de prévoir dans la loi de simplification Warsmann 2 l'introduction des éléments nécessaires à une telle réglementation des regroupements, qui inclurait les aspects fiscaux. Il semble malheureusement qu'aujourd'hui, rien n'ait avancé. Et qu'une nouvelle fois, ce ne soit plus à l'ordre du jour.
En conclusion, les regroupements d'associations peuvent toujours avoir lieu, mais sans règle. Et, pour celles qui sont fiscalisées, avec un risque important depuis que la tolérance de l'administration qui autorisait ces regroupements à se placer sous le régime de faveur de l'article 210-A du Code général des impôts n'existe plus, entraînant un coût fiscal trop élevé pour réaliser ces opérations.
> Les associations fiscalisées ne se regroupent plus
Cette évolution va considérablement freiner les opérations de regroupement entre associations totalement ou partiellement fiscalisées.
Cet environnement non réglementé ou insuffisamment réglementé peut poser des difficultés importantes dans le cadre de ces opérations, notamment pour le commissaire aux comptes. D'autant plus que des opérations de regroupement entre associations peuvent être opérées à effet différé, c'est-à-dire à une date postérieure à la date de réunion des organes délibérants ayant entériné la décision de regroupement.
En conclusion, on peut regretter qu'il n'y ait pas de volonté pour aboutir à l'établissement d'un corps de règles permettant de réaliser ces opérations sans risque au bénéfice des parties, des intervenants, des partenaires et des prestataires externes, dont les experts-comptables et les commissaires aux comptes.
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