Aujourd'hui, avec une mondialisation accrue, la dispersion géographique des filiales et des équipes de plus en plus multiculturelles et multilinguistiques, les directeurs administratifs doivent s'adapter.
Lors d'une intervention dans le cadre du Congrès Financium de la DFCG, en décembre dernier, Chakib Hafiani et Pascal Ferron, associés Baker Tilly France, ont livré quelques-unes des clés qu'ils ont pu expérimenter pour relever le défi du multiculturalisme, aux côtés de Dominique Desjeux, anthropologue spécialiste des dimensions multiculturelles, et Geneviève Bosquet, directeur administratif et financier, membre de la DFCG, senior manager stratégie industrielle chez EADS.
En préambule, Pascal Ferron fait remarquer que travailler à l'international est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Cela ne se limite pas à avoir son passeport toujours à jour et à prendre l'avion facilement pour se retrouver à l'autre bout du monde. Non seulement il y a l'inévitable barrière de la langue, que l'on essaie de palier par l'usage du « globish », combinée, pour les directeurs financiers, aux normes et aux fiscalités différentes, mais il y a surtout les différences de culture et d'histoire.
Premiers décryptages :
> Se connaître soi-même
Pour comprendre l'autre, il faut d'abord se connaître soi-même, être capable d'expliquer son propre référentiel. Chakib Hafiani identifie quatre fondamentaux dans le référentiel des directions financières françaises :
- une valeur de transparence financière,
- des budgets sont réalisés en amont, dans une volonté affichée d'anticipation et de prévision,
- en mettant en place le « reporting opérationnel et financier », les entreprises françaises souhaitent mesurer précisément leur performance,
- enfin, le système hexagonal impose un respect des engagements pris, en termes de délais comme en termes de résultats.
Pour obtenir l'adhésion des collaborateurs étrangers aux rouages du système français, il faut pouvoir expliquer ce référentiel. Pour aider à sa compréhension, les directeurs administratifs et financiers peuvent, par exemple, mettre en place des échanges internationaux de collaborateurs.
> Une grille de lecture pour connaître l'autre
Mais la mondialisation suppose un échange : on ne peut imposer sa propre culture en bloc à ses collaborateurs étrangers. Il est nécessaire de prendre le temps de découvrir leur environnement, de comprendre dans quel milieu ils évoluent, et quelles sont leurs propres valeurs. Or les directeurs administratifs et financiers ne peuvent se transformer en psychologues ou sociologues. Une grille de lecture universelle peut utilement les aider à décrypter les autres fondamentaux culturels :
- il s'agit avant tout d'identifier l'attitude de ses interlocuteurs par rapport au contexte des « normes » : les acceptent-ils ? S'en méfient-ils ? Les appliquent-ils ? L'enjeu étant d'éviter toute production non-conforme ;
- ensuite, savoir si l'on a en face de soi des personnes évoluant dans une société individuelle ou, au contraire, collective, est une étape incontournable.
- pour certaines civilisations, le temps vécu n'est pas le plus important, l'essentiel étant que le travail soit réalisé. Mais quand…. La notion de délai est donc ici très relative ;
- il est également intéressant de savoir quel est le rapport à l'autorité. Certains pays admettent la contestation, d'autres non. Au Japon par exemple, un collaborateur vous dira toujours oui, même s'il est convaincu qu'on pourrait faire autrement et mieux ;
- la « proximité » avec son interlocuteur varie également. Comment salue-t-on dans le pays avec lequel vous devez traiter ? Se salue-t-on de loin ? Echange-t-on une poignée de main chaleureuse ? Tombe-t-on dans les bras l'un de l'autre ? Au-delà des salutations, connaître les coutumes en la matière permettra de doser correctement le « niveau » de convivialité admis dans les relations de travail ;
- enfin, il est important de savoir comment les interlocuteurs se situent par rapport à l'avenir. Pour certains peuples, l'avenir est synonyme de stress, pour d'autres il est synonyme d'incertitude… En Afrique par exemple, le stress est un sentiment totalement abstrait, alors qu'au Japon, il fait partie du quotidien de tout salarié.
> Adapter son comportement
Une fois que l'on se connaît soi-même et que l'on a cerné les caractéristiques principales de ses interlocuteurs étrangers, encore faut-il être capable d'adapter son comportement à cette nouvelle dimension multiculturelle. Toute la finesse d'action consiste donc à comprendre et accepter l'autre sans renoncer à ses exigences les plus importantes, à apporter son soutien sans tomber dans le piège de l'assistanat, à être tolérant tout en s'affirmant, à faire preuve de flexibilité sans en oublier sa personnalité, à savoir être souple sur la forme tout en restant exigeant sur le fond. Il faut apprendre à faire confiance à ses nouveaux collègues et collaborateurs venus d'ailleurs, en évitant tout malentendu.
Et en étant bien conscient qu'il y a autant d'interprétations du mot « confiance » qu'il y a d'individus…
Quoi qu'il en soit, toutes ces données multiculturelles, bien prises en compte, seront autant d'atouts pour relever le défi d'échanges fructueux lors de l'inévitable mondialisation à laquelle sont désormais confrontés les directeurs administratifs et financiers.
Et n'oubliez jamais que, souvent, l'argument de la culture différente est mis en avant pour masquer de réels enjeux de pouvoir.