Par Nathalie Touze-Foltz – Responsable de projets scientifiques pour le Cemagref – Membre du Conseil d'Administration du CFG (Comité Français des Géosynthétiques).
Dans le cadre de ses missions au Cemagref, Nathalie travaille depuis 2010 sur le projet GEOINOV : Conception de Géotextiles hautes performances sous contraintes environnementales et depuis 2009 sur le projet DURAGEOS : durabilité des géosynthétiques en installations de stockage de déchets.
Elle a également animé de 2007 à 2010 en parallèle de ses activités au Cemagref, le Pôle de recherche et d'enseignement Eau et Environnement de l'Ecole des Ingénieurs de la Ville de Paris.
Nathalie est Docteur de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, Habilitée à diriger des recherches de l'université de Paris Est Marne-la-Vallée. Elle est également titulaire d'un diplôme d'ingénieur des Travaux Ruraux (ENGEES).
QUID DES GEOSYNTHETIQUES ?
Un géosynthétique est un produit, dont au moins l'un des constituants est à base de polymère synthétique (polyéthylène, polyamide, polyester ou polypropylène) ou naturel, se présentant sous forme de nappe, de bande ou de structure tridimensionnelle, utilisé en contact avec le sol ou avec d'autres matériaux, dans les domaines de la géotechnique et du génie civil.
Il existe deux grandes familles de géosynthétiques :
• les géotextiles et produits apparentés aux géotextiles qui sont des produits perméables et peuvent assurer entre autres les fonctions de drainage et de renforcement ;
• les géomembranes et produits apparentés (géosynthétiques bentonitiques) qui sont essentiellement imperméables et dont l'unique fonction est d'assurer une étanchéité ; ainsi les géomembranes sont utilisées dans de nombreux ouvrages pour la protection de l'environnement comme les bassins de stockage d'effluents liquides, les installations de stockage de déchets ou les applications minières dont on traite ici, afin de prévenir ou de limiter la migration de polluants vers le milieu environnant.
Les géosynthétiques se substituent totalement ou partiellement dans ces applications à des matériaux naturels, permettant ainsi une économie de la ressource de matériaux granulaires.
LES GEOSYNTHETIQUES DANS L'INDUSTRIE MINIERE : UN DOMAINE EN PLEINE EXPANSION
L'industrie minière est la ressource principale de nombreuses économies de par le monde, y compris dans les pays en voie de développement comme l'Australie, le Chili ou le Pérou.
Les installations minières, contrairement à d'autres installations pour la protection de l'environnement, ont des emprises foncières importantes. Par conséquent, les mesures de protection de l'environnement doivent être pratiques, robustes, fiables et adaptées (Renken et al., 2005). C'est pourquoi l'utilisation des géosynthétiques pour la conception et la construction des systèmes d'étanchéité dans les applications minières a beaucoup augmenté ces 20 dernières années. Pour autant l'utilisation des géosynthétiques dans l'industrie minière n'est pas encore aussi répandue que dans d'autres industries comme celle du traitement et du stockage des déchets ménagers et industriels. C'est donc un domaine d'application en pleine expansion.
Une des raisons du faible taux de recours aux matériaux géosynthétiques dans le domaine minier à l'heure actuelle, contrairement au domaine du stockage des déchets, est qu'il n'existe pas de législation internationale imposant le recours à l'imperméabilisation des sites miniers dans un objectif de protection de l'environnement. En effet, la protection de l'environnement a un coût mais ne permet pas un accroissement du chiffre d'affaires. Par conséquent, sans levier réglementaire, les mesures nécessaires pour la protection de l'environnement sont rarement prises (Fourie et al., 2010).
POURQUOI UN RECOURS AUX GEOSYNTHETIQUES ?
Il n'est plus à démontrer que le niveau d'étanchéité apporté par une géomembrane est bien supérieur à celui d'une couche d'étanchéité minérale, lorsque le système d'étanchéité par géomembrane est conçu, mis en œuvre et utilisé selon les règles de l'art. Ces matériaux permettent donc de renforcer la protection des sols et des nappes environnant les sites miniers.
C'est également le cas des géotextiles et produits apparentés qui apportent une solution alternative aux matériaux granulaires pour assurer un drainage. Qui plus est, les géotextiles et produits apparentés peuvent être utilisés pour assurer la fonction de renforcement, essentielle dans des ouvrages comme ceux de l'industrie minière où les contraintes mécaniques sont très fortes.
L'industrie minière bénéficie des techniques développées pour d'autres ouvrages pour la protection de l'environnement. En effet, des réglementations et des règles de bonne pratique ont été édictées de par le monde, et en particulier au sein du Comité Français des Géosynthétiques, pour une bonne utilisation des géosynthétiques, plus spécifiquement pour les installations de stockage de déchets. Toutefois il existe dans le cas des installations minières des contraintes bien spécifiques aux ouvrages, liées à leur mode de fonctionnement.
DE MULTIPLES APPLICATIONS POUR LES SITES MINIERS
Les géosynthétiques peuvent se rencontrer sur les sites miniers dans les différents ouvrages que sont les aires de lixiviation, les zones de stockage de résidus de lixiviation et les stockages de stériles (Touze-Foltz et al., 2008).
Les aires de lixiviation sont utilisées dans le cadre des process miniers pour extraire le métal du minerai, en particulier pour la récupération de l'or, du cuivre, de l'argent, de l'uranium, du nickel. Les aires de lixiviation sont des surfaces imperméabilisées sur lesquelles on place le minerai. Une solution est alors déposée sur le minerai de manière à le traverser et à dissoudre les métaux. La solution utilisée est variable, en fonction du métal et peut être constituée d'un acide fort (par exemple de l'acide sulfurique), ou dans le cas de l'or et de l'argent d'une solution diluée de cyanure. La solution est ensuite récupérée et dirigée vers des bassins de récupération où l'on effectue la récupération du métal. Cette récupération nécessite en plus d'une étanchéité efficace, la mise en place d'un système drainant. Ce système drainant ne doit pas seulement être dimensionné pour collecter la solution qui aura percolé à travers le minerai mais également pour contrôler la hauteur de liquide sur l'étanchéité. Ce contrôle de la hauteur de liquide va permettre de réduire l'instabilité du minerai et de la structure elle-même. Le contrôle de la hauteur de liquide peut également réduire les transferts à travers les éventuels défauts dans la géomembrane. Les systèmes de drainage les plus courants sont constitués de géodrains, tuyaux de drainage en polymères insérés dans une couche de matériaux granulaires. Le système drainant peut également incorporer un géotextile ou des géocomposites drainants.
Les zones de stockage de résidus de lixiviation sont des structures ouvragées construites pour stocker des pâtes épaissies ou des matériaux pilés et desséchés provenant des activités de transformation des minéraux. Le minerai est concassé à une certaine granulométrie puis envoyé à un moulin où la roche est réduite en une fine poudre. Cette poudre est transformée en une suspension en utilisant différentes méthodes pour extraire le métal.
Les suspensions sont généralement constituées de fines particules mélangées à la solution. La teneur en solides varie entre 5 et 65 pourcent en masse en fonction du process utilisé. Après que la suspension ait été déposée dans la zone de stockage, les particules fines sédimentent et une consolidation se produit, relarguant ainsi les eaux de process qui peuvent être récupérées et réutilisées dans le process. La plus grosse part de ces eaux de process forme une solution surnageante à la surface de la boue en cours de consolidation. Là encore une étanchéité performante de l'ouvrage est requise.
Lors du process d'extraction du minerai, de la roche est également extraite pour pouvoir accéder au minerai. Les matériaux correspondants, les stériles, sont souvent placés dans une installation dédiée. Dans certains cas, des géosynthétiques sont incorporés aux structures de confinement de ces stériles. On a recours à une étanchéité lorsque l'on craint que les eaux de drainage à travers ces stériles ne puissent avoir un effet néfaste sur l'environnement.
Dans le cas où une barrière d'étanchéité n'a pas été mise en place préalablement au dépôt des stériles, une couverture de ces déchets doit être assurée. Là encore on peut avoir recours à une géomembrane.
LES CONTRAINTES RENCONTREES PAR LES GEOSYNTHETIQUES DANS LES INSTALLATIONS MINIERES
La présentation des ouvrages rencontrés dans les sites miniers met en évidence de multiples contraintes qui vont être rencontrées par les géosynthétiques.
Ceux-ci devront par exemple présenter :
• une bonne résistance chimique vis-à-vis des solutions très acides ou basiques qui seront utilisées dans les process et ce pendant toute la durée de vie de l'ouvrage, soit plusieurs dizaines d'années,
• une bonne résistance aux radiations ultraviolettes, lorsque les géomembranes sont exposées,
• une bonne résistance également à des températures extrêmes liées à la localisation de nombre de ces sites.
Les géomembranes pour pouvoir rester étanches doivent être protégées des éventuelles agressions. C'est pourquoi on a recours à des géotextiles et produits apparentés pour les protéger des diverses agressions mécaniques qui dans le cas des sites miniers sont liées :
• au poids élevé de minerai ou de stériles, car jusqu'à 150 voir 180 m de minerai ou de stériles et des hauteurs de liquide pouvant atteindre 60 mètres sont fréquemment rencontrés,
• au risque de tassement du sol.
On parle alors de dispositif d'étanchéité par géomembrane.
Dans le cas des géodrains s'ajoutent à la nécessité d'une bonne résistance chimique à des acides ou des bases forts pour des durées potentiellement supérieures à 20 ans, d'une part le besoin d'une bonne résistance mécanique, en lien avec les mêmes contraintes que celles rencontrées par le dispositif d'étanchéité par géomembrane, et d'autre part la nécessité d'une prévention du risque de colmatage des opercules du géodrain lié à la présence de matériaux fins. Le choix de la granulométrie du matériau granulaire drainant entourant le géodrain est donc essentiel.
De nombreuses recherches ainsi que les retours d'expériences dont on commence à disposer permettent à l'heure actuelle d'optimiser le choix des géosynthétiques pour une application donnée.
DURABILITE DES GEOSYNTHETIQUES : PLUS D'UNE VINGTAINE D'ANNEES
Des retours d'expériences acquis ces dernières années montrent que la durée de vie des géosynthétiques dans ces environnements n'est pas altérée au bout de vingt ans lorsque la conception, l'installation et l'utilisation de ces matériaux sont effectuées selon les règles de l'art.
La performance de la géomembrane sera fonction de sa nature, de son épaisseur, des matériaux directement en contact dessus et dessous et du tassement du sol. Des essais spécifiques doivent être réalisés pour chaque site afin d'éviter la perforation de la géomembrane. En effet les géomembranes sont des matériaux d'épaisseur allant du millimètre à quelques millimètres et sont sensibles au risque de poinçonnement par les matériaux granulaires qui peuvent entrer en contact avec elles. Ce risque est renforcé dans le cas des stockages de stériles ou des engins sont amenés à rouler sur le matériau granulaire lors de sa mise en place dans le stockage.
LE CONTROLE DE LA POSE DES GEOMEMBRANES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT
Compte-tenu de la forte sensibilité des géomembranes au risque de poinçonnement, un contrôle de celles-ci à l'issue de leur pose, voir après mise en œuvre du matériau drainant est essentiel. En effet, celui-ci permet de vérifier l'absence de défauts dans la géomembrane qui risqueraient de conduire à des fuites d'acides ou de bases et de métaux vers le sol environnant. Cette étape de contrôle ne peut pas être dissociée d'une conception, d'une pose et d'une utilisation adaptée des géosynthétiques qui garantira la meilleure protection possible de l'environnement. Parmi d'autres, des méthodes électriques de détection de fuites sont éprouvées depuis de nombreuses années dans de nombreuses applications pour la protection de l'environnement.
Références bibliographiques
Fourie, A., Bouazza, A., Lupo, J., Abrão, P., 2010. Improving the performance of mining infrastructures through the judicious use of geosynthetics, Keynote Lecture, Proceedings 9th International Conference on geosynthteics, Guaruja, Brazil, 193-219.
Renken, K., Mchaina, D.M. and Yanful E.K., 2005. Geosynthetics research and applications in the mining and mineral processing environment, NAGS 2005 / GRI 19 Conference, 20p.
Touze-Foltz, N., Lupo, M. and Barroso, M., 2008. Geoenvironmental applications of geosynthetics, Keynote Lecture, Proceedings Eurogeo 4, 98p.
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