Le projet de Loi de Finances pour 2013 prévoit de taxer les plus-values issues de l'exercice de Bons de Souscription d'Actions (ou BSA) à l'impôt sur le revenu au taux progressif, au lieu du taux forfaitaire de 19%. Avec cette mesure, l'administration fiscale n'aurait donc plus besoin d'engager de procédures de requalification des plus-values en rémunérations, qu'elle affectionnait jusqu'à présent ?
Pas si sûr… surtout si les BSA sont logés dans un PEA : la plus-value étant alors exonérée d'impôt sur le revenu, seule une requalification permettrait une taxation. Or, sur le terrain judiciaire, le fisc peine à justifier les requalifications…
Lorsqu'un fonds d'investissement réalise un LBO (Leverage Buy Out - acquisition d'une société ou d'un groupe avec effet de levier), son but est de réaliser une plus-value à moyen terme, généralement 5 à 8 ans. A cette fin, il est de pratique courante que ce nouvel actionnaire propose à certains salariés de la société / du groupe d'investir à ses côtés. Le fonds souhaite ainsi s'assurer de la coopération de salariés clés afin d'atteindre son objectif, en leur faisant partager une partie de la plus-value qu'il entend réaliser.
Mais les salariés n'ont pas toujours les moyens d'investir. C'est pourquoi il est fréquent que le fonds leur propose d'acquérir des Bons de Souscription d'Action (BSA), dont le prix est significativement inférieur aux actions elles-mêmes, et qui permettent un gain dépendant de la réalisation d'objectifs (Taux de Rentabilité Interne ou EBIT de la société, par exemple) ; lors de la sortie du fonds et la vente concomitante des actions par les salariés, ces derniers réalisent donc une plus-value plus importante.
L'administration fiscale a remis en cause nombre de ces mécanismes et a requalifié le gain réalisé lors de la vente en salaires ou en revenus occultes, imposables non au taux forfaitaire de 19% comme les plus-values mais au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Dans la plupart des cas, l'administration a qualifié en outre le mécanisme de montage abusif et appliqué une pénalité de 40% - voire 80% - en sus de l'impôt notifié et de l'intérêt de retard, réclamant donc des sommes importantes aux salariés.
En raison des montants en jeu, la plupart de ces remises en cause se sont conclues par la signature d'une transaction, proposée par l'administration fiscale pour éviter les contentieux, les redressements en droits et pénalités étant alors limités dans des proportions raisonnables.
Les salariés acceptent souvent de telles transactions, ne souhaitant pas - voire ne pouvant pas - engager un contentieux, ni risquer d'avoir à payer l'impôt réclamé majoré d'intérêts complémentaires, ni fournir, en contrepartie d'un sursis de paiement, les garanties nécessaires, inhérentes à un contentieux forcément long.
En revanche, lorsque les salariés ont suivi l'avis de leurs avocats-conseils fiscaux sur le terrain judiciaire, les contentieux engagés ont tous été favorables aux salariés à ce jour . Les juges ont considéré que l'administration n'apportait pas la preuve que les gains réalisés avaient un lien avec leur activité salariée, ni que la valeur d'acquisition ou de vente était anormale.
En effet, il ne suffit pas qu'un gain soit réalisé par un salarié pour être qualifié de rémunération ; encore faut-il que certaines conditions soient remplies, et il appartient alors à l'administration d'en apporter la preuve si elle entend requalifier le gain.
Force est de constater que, dans ces contentieux, cette preuve n'a pas été rapportée, le juge de l'impôt estimant que l'administration affirme sans démontrer et sans apporter les éléments, exigés par la jurisprudence, qui permettent d'apprécier si les conditions d'une requalification sont toutes remplies…
Dans les LBO, les fonds n'investissent qu'en vue d'une plus-value assez rapide ; or pour se l'assurer, quel meilleur moyen que d‘en faire bénéficier aussi les personnes clés des sociétés dans lesquelles ils investissent ? Il ne s'agit pas de rémunérer leur activité de salarié, mais bien leur participation dans la réussite du LBO, ce qui est très différent.
Il est dommage que l'administration ne veuille pas l'admettre, mais faisons confiance à la sagesse des magistrats des juridictions administratives pour rétablir une réalité économique indéniable.
Danièle SIBONI
Avocat-Conseil fiscal
Avocat associé
DLSI Avocats
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